Homélie du 2 juillet 2023

 Celui qui ne prend pas sa croix n'est pas digne de moi. Qui vous accueille m'accueille 

13ème dimanche du Temps Ordinaire - Année A

Une homélie de fr. Yves de patoul

Homélie :
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Le passage de l'évangile de Matthieu que nous venons d'entendre clôt une section qu'on appelle le « discours missionnaire » dans lequel l'évangéliste a rassemblé une série d'enseignements à l'usage des disciples de Jésus pour qu'ils deviennent de bons missionnaires. Ici la barre est placée assez haute puisqu'il commence, en apparence du moins, par dénigrer la famille humaine : « qui aime sa mère, son père, sa fille, son fils plus que moi n'est pas digne de moi ». Jésus veut nous inculquer une nouvelle compréhension de la famille : désormais avec la venue du royaume de Dieu, la famille spirituelle devient centrale pour ses disciples. Les liens qui les unissent sont plus importants que ceux qui unissent les membres de la famille charnelle ; ce sont des liens spirituels, des liens de fraternité qui nous relient les uns aux autres et dans un cercle bien plus grand que la famille ordinaire. Là y domine la loi de l'amour dont les effets sont parfois surprenants.

Un exemple nous en est donné dans les Ecritures - on pourrait en trouver bien d'autres - : c'est la Sunamite qui reçoit régulièrement le prophète Élie qu'elle perçoit comme un saint homme de Dieu. Elle est avide de recevoir une parole qui la surprend. Elle est « riche » (ou grande selon les traductions), nous dit le texte. Sa richesse est sans doute d'avoir offert gratuitement un logis complet au prophète dans sa propre demeure, mais aussi sans doute d'avoir désiré accueillir une parole de Dieu. En récompense le prophète lui a promis de mettre un terme à sa stérilité, cadeau inespéré, incommensurable, fécondité insoupçonnée.

A entendre toutes ces consignes proclamées aux disciples missionnaires, nous pourrions penser que Jésus est très exigeant, qu'il nous demande de faire des choses extraordinaires. Parfois oui, comme témoigner de sa foi pour lui au lieu de suivre les idoles ou de renoncer à sa foi devant l'ennemi qui nous presse de le suivre. Mais souvent non, comme donner un verre d'eau à celui qui a soif, accueillir un prophète qui dit la vérité que nous ne voulons pas entendre. Ce dernier enseignement de notre évangile justifie certainement le choix fait par la liturgie de la Sunamite accueillant le prophète Élie. La richesse de celle-ci n'est d'ailleurs pas seulement dans son accueil du prophète ; comme dit Jésus dans l'évangile, elle reçoit une récompense de prophète. Scrutons maintenant le texte pour découvrir comment nous pouvons améliorer la qualité de nos liens spirituels. En quoi sont-ils supérieurs aux liens charnels que nous chérissons tant ? Vous avez entendu que l'adjectif 'digne' est utilisé à plusieurs reprises de façon négative : « celui qui aime son père ou sa mère plus que moi (ὑπὲρ ἐμέ, hyper) n'est pas digne de moi, οὐκ ἔστιν μου ἄξιος. » Cette phrase signifie littéralement : celui qui accorde à son père plus de valeur (en amour) que le Christ n'est pas son disciple. Toujours au sens littéral : celui qui met son père ou sa mère au-dessus du Christ n'est pas ajusté à Dieu, son amour serait un amour sans Dieu, ce qui n'est pas un véritable amour. Ou bien encore pour le dire positivement dans le langage des jeunes : Jésus est hyper aimable, hyper bon. Il nous aime plus que tous nos amis, parents ou proches. C'est une réalité qui n'est pas facile à croire, à avaler, mais il faut y arriver pour devenir des disciples dignes de lui. Dans un tout autre langage, celui de l'Ancien Testament, on dira que le Dieu de nos Pères, qui est le nôtre, est un Dieu jaloux ; il est désespéré que son peuple se tourne vers les idoles. Il le punit alors ;ou bien alors il utilise le langage de la séduction : ce sont tous les prophètes, petits (Osée, Joël) et grands (Jérémie, Isaïe, Ezéchiel). D'où la question qu'il nous faut nous poser : qu'est-ce qu'un amour véritable ? un amour avec Dieu ? un amour comme Dieu nous aime. La réponse est dans la Parole de Dieu, elle est à chercher sans cesse seul ou, mieux encore en groupe parce que nous pouvons être dans l'illusion

de croire que nous savons, que nous avons la bonne réponse. La lecture des évangiles, la théologie, la prédication, la catéchèse pour les enfants revêtent toute leur importance pour répondre à cette grande question : comment Dieu nous aime-t-il ? Et comment devons-nous nous aimer les uns les autres ? Certes Dieu est amour, il n'est que cela répète saint Jean. Que mettons-nous dans ce petit mot ? L'évangile qui nous est donné aujourd'hui nous en propose quelques pistes. Il y a d'abord ces petits riens qui ne coûtent pas cher. Le verre d'eau donné à celui qui a soif est le symbole de ces petits gestes ou ces services qu'on se rend les uns les autres à longueur de journée. Chacun veut le bien des autres en faisant son travail le mieux qu'il peut même si ça parfois lui coûte un peu ; chacun aime son prochain comme lui-même et ne voudrait pas qu'il soit laissé dans l'infortune, la pauvreté, la colère, la tristesse, ou que sais-je encore ? Il y a ensuite la croix que chacun doit porter. Le texte dit bien que chacun a sa croix à porter. Elle est différente pour chacun d'entre nous. Celle du politicien est très différente de celle de la mère de famille. L'un doit tout faire pour inclure dans ses décrets le plus grand nombre possible de personnes sans jamais oublier les plus faibles et les plus pauvres. L'autre doit accomplir des tâches ménagères qui satisfassent tous les membres de la famille, tout en laissant une place pour le visiteur. Elle doit être accueillante pour son mari, pour chacun de ses enfants et vouloir leur équilibre, leur bien-être à tout point de vue. L'évangile de ce jour recèle une autre piste de conversion que j'ai déjà effleurée en parlant de la Sunamite : lorsque celle-ci accueille le prophète Elie de façon régulière, elle reçoit, comme le dit Jésus, une récompense de prophète. Le missionnaire n'est pas seulement celui qui apporte, qui donne l'évangile ; il doit accueillir l'étranger, l'autre, la parole de ses ouailles (sa culture, ses mœurs, son caractère) qui va le façonner tout comme il est façonné par la Parole de Dieu qu'il ne détient jamais comme un bien qu'il posséderait pour lui et qu'il n'aurait qu'à donner. Le missionnaire, celui que nous sommes tous dans la mesure où nous voulons donner et recevoir quelqu'enseignement aux autres, il a l'obligation morale d'écouter l'autre s'il veut lui enseigner un précepte évangélique. La charité ne consiste pas à faire quelque chose que moi j'ai appris au catéchisme, à l'école ou dans ma famille, et que je n'aurais qu'à imposer aux autres de faire. Et ce qui est tout aussi peu recommandable, sinon davantage, c'est de faire à la place de l'autre ce que je crois qu'il devrait faire et qu'il ne fait pas. Qui vous accueille m'accueille, et qui m'accueille accueille Celui qui m'a envoyé. La Sunamite accueillant le prophète Elie accueille Dieu lui-même. Accueillons, nous aussi, les prophètes de notre temps, ceux qui sont capables de nous parler de Dieu, des problèmes qui nous regardent tous (les changements climatiques, la guerre et la violence qui nous affectent tous). Accueillons-nous les uns les autres avec bienveillance comme des frères et des sœurs en Christ. Le martyr de la foi, celui qui verse son sang par fidélité au nom du Christ accueille Dieu son Père qui l'a ressuscité des morts. « De même vous aussi, nous dit saint Paul, pensez que vous êtes morts au péché, et vivants pour Dieu en Jésus Christ ». Essayons de nous résumer : l'apôtre, le missionnaire qui est envoyé par le Christ pour annoncer la bonne nouvelle du salut - et nous le sommes tous -, ce n'est pas un super héros qui réalise des exploits extraordinaires, c'est quelqu'un qui se met humblement devant l'autre pour l'écouter avant de lui offrir une bonne parole. Il visera les plus petits pour leur donner un simple verre d'eau qui viendra de son cœur comme Jésus donna à boire à la Samaritaine venue puiser dans le puits de Jacob ses ancêtres. Il sera toujours soucieux d'accueillir lui-même Jésus Christ son Seigneur en son cœur avant de l'apporter aux autres.

 

Celui qui s'arrête chez nous est un saint homme de Dieu

Un jour, le prophète Élisée passait à Sunam ; une femme riche de ce pays insista pour qu'il vienne manger chez elle. Depuis, chaque fois qu'il passait par là, il allait manger chez elle. Elle dit à son mari : « Écoute, je sais que celui qui s'arrête toujours chez nous est un saint homme de Dieu. Faisons-lui une petite chambre sur la terrasse ; nous y mettrons un lit, une table, un siège et une lampe, et quand il viendra chez nous, il pourra s'y retirer. »

Le jour où il revint, il se retira dans cette chambre pour y coucher. Puis il dit à son serviteur : « Que peut-on faire pour cette femme ? » Le serviteur répondit : « Hélas, elle n'a pas de fils, et son mari est âgé. » Élisée lui dit : « Appelle-la. » Le serviteur l'appela et elle se présenta à la porte. Élisée lui dit : « À cette même époque, au temps fixé pour la naissance, tu tiendras un fils dans tes bras. »

- Parole du Seigneur.

2 R 4, 8-11.14-16a

L'amour du Seigneur, sans fin je le chante ; ta fidélité, je l'annonce d'âge en âge. Je le dis : C'est un amour bâti pour toujours ; ta fidélité est plus stable que les cieux.

Heureux le peuple qui connaît l'ovation ! Seigneur, il marche à la lumière de ta face ; tout le jour, à ton nom il danse de joie, fier de ton juste pouvoir.

Tu es sa force éclatante ; ta grâce accroît notre vigueur. Oui, notre roi est au Seigneur ; notre bouclier, au Dieu saint d'Israël.

Ps 88 (89), 2-3, 16-17, 18-19

Unis, par le baptême, à la mort et à la résurrection du Christ

Frères, ne le savez-vous pas ? Nous tous qui par le baptême avons été unis au Christ Jésus, c'est à sa mort que nous avons été unis par le baptême. Si donc, par le baptême qui nous unit à sa mort, nous avons été mis au tombeau avec lui, c'est pour que nous menions une vie nouvelle, nous aussi, comme le Christ qui, par la toute-puissance du Père, est ressuscité d'entre les morts.

Et si nous sommes passés par la mort avec le Christ, nous croyons que nous vivrons aussi avec lui. Nous le savons en effet : ressuscité d'entre les morts, le Christ ne meurt plus ; la mort n'a plus de pouvoir sur lui. Car lui qui est mort, c'est au péché qu'il est mort une fois pour toutes ; lui qui est vivant, c'est pour Dieu qu'il est vivant. De même, vous aussi, pensez que vous êtes morts au péché, mais vivants pour Dieu en Jésus Christ.

- Parole du Seigneur.

Rm 6, 3-4.8-11

Celui qui ne prend pas sa croix n'est pas digne de moi. Qui vous accueille m'accueille

En ce temps-là, Jésus disait à ses Apôtres : « Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi n'est pas digne de moi ; celui qui aime son fils ou sa fille plus que moi n'est pas digne de moi ; celui qui ne prend pas sa croix et ne me suit pas n'est pas digne de moi. Qui a trouvé sa vie la perdra ; qui a perdu sa vie à cause de moi la gardera. Qui vous accueille m'accueille ; et qui m'accueille accueille Celui qui m'a envoyé. Qui accueille un prophète en sa qualité de prophète recevra une récompense de prophète ; qui accueille un homme juste en sa qualité de juste recevra une récompense de juste. Et celui qui donnera à boire, même un simple verre d'eau fraîche, à l'un de ces petits en sa qualité de disciple, amen, je vous le dis : non, il ne perdra pas sa récompense. »

- Acclamons la Parole de Dieu.

Mt 10, 37-42