Homélie du 19 novembre 2023

 Tu as été fidèle pour peu de choses, je t'en confierai beaucoup 

33ème dimanche du Temps Ordinaire - Année A

Une homélie de fr. Yves de patoul

Homélie :
avancez jusqu'à  29' 30' 00"

Cette parabole bien connue de Jésus sous le nom de parabole des talents exprime bien notre devoir de chrétien, ce que Dieu attend de nous : une certaine productivité, ou en termes plus spirituels, des produits de qualité. Dimanche dernier, Il fustigeait le manque de constance, le manque de prévoyance dans le chef des dix vierges folles qui étaient insouciantes : elles n'avaient pas fait provision d'huile tout en sachant que l'époux, le maître, allait bientôt venir ; leur lampe pour veiller allaient s'éteindre et elles connaîtraient un triste sort. Aujourd'hui, Dieu fustige la paresse, l'inaction, l'irresponsabilité d'un de ses serviteurs qui n'a rien produit par peur de son maître qu'il connaissait comme quel qu'un de sévère et exigeant.

La peur est mauvaise maîtresse, c'est un des messages qui est délivré dans cette parabole. Nous en avons tous fait l'expérience à nos dépens. Malheureusement, nous persistons souvent dans cette peur en disant : «  je ne suis pas capable de faire ci ou ça, et un autre ou des autres en sont beaucoup plus capables que moi ; je leur laisse faire, je leur donne la responsabilité de faire ce que je juge pourtant important  ». Mais comme beaucoup raisonnent de la même manière, la situation devient catastrophique sur un plan humanitaire, social ou politique à l'échelle d'un pays ou d'une localité plus petite. S'en suivent des drames familiaux, scolaires ou régionaux comme des suicides par harcèlement, des décès par hypothermie ou que sais-je encore. «  On ne s'attendait pas à ça, on n'avait pas pressenti qu'une telle chose puisse arriver dans notre rue ou dans notre école !  ».

Pour rester sur le plan humain, nous rechignons souvent à faire le bien que nous voudrions faire, celui là-même que notre conscience nous y invite, nous reculons non seulement par peur de faire nous-même une bonne action (une aumône, une parole, un geste qui sauve par exemple), mais aussi par peur du risque : «   mon geste, ma parole, mon aumône ne vont rien résoudre  », se dit-on trop souvent, et d'ailleurs si je lui donne quelque chose il va continuer à m'embêter, si je lui dis un mot il va sans doute mal le prendre, et si je fais un geste pour l'aider cela va se retourner contre moi. Donc je ne fais rien, je ne dis rien, et je ne donne rien à personne  ». Voilà le raisonnement du serviteur paresseux qui n'a reçu qu'un seul talent, le raisonnement qui est dénoncé par Jésus dans l'évangile d'aujourd'hui. Par peur du risque, je ne fais rien, je ne dis rien, je ne donne rien.

Comme l'écrivait saint Benoît au début de sa Règle des moines, ne nous attardons pas à cette triste catégorie de personnes qui n'ont reçu qu'un seul talent et qui ne sont pas foutus d'en rapporter un deuxième. Cet évangile nous invite tous à la créativité, à l'imagination, à l'exemple des serviteurs du maître qui avaient reçu 5 ou 10 talents et qui en ont restitué le double à leur maître, chacun selon leur talent reçu. Le talent est une mesure qui, paraît-il, valait beaucoup, beaucoup (plusieurs années de salaire). Même avec un seul talent, il y avait moyen d'agir avec beaucoup de liberté, de s'en tirer convenablement. Le mot talent a pris une connotation psycho-morale. Il a sans doute perdu son sens d'énormité mais il a gardé sa valeur positive, laudative.

La parabole des talents raconte que Dieu a voulu que nous fussions dotés de talents, les uns plus que les autres, chacun selon ce qu'on est capable de recevoir et de gérer. La gestion nous en est confiée : nous sommes libres d'en faire ce que nous voulons. Cette liberté est dite, signifiée par le départ du maître en voyage. Mais à son retour, il va nous demander des comptes. Pourquoi ? Mais parce que ces talents ce sont ses biens à lui qu'il nous a confiés. Et ceci nous donne une bonne indication sur le genre de biens que représente ces talents. Il ne s'agit pas d'argent ou de biens matériels. Pour le dire d'un mot je dirais que c'est la nature dont il est questionc; et on pourrait préciser qu'il s'agit ici de la nature humaine.

Avec un peu de connaissance d'histoire, de géographie, d'anthropologie et d'autres disciplines comme la philosophie et la théologie, on peut avancer que cette nature humaine est fondamentalement une (la même celle que Jésus a connue) : tous les hommes sont égaux en valeur et ils se distinguent uniquement par l'âge, le sexe, la race, la culture autant de déterminations qui sont des moyens pour mieux vivre leur humanité qui vient de Dieu, qui est à l'image de Dieu qui est amour trinitaire. Nous sommes tous uniques et différents mais nous avons absolument besoin les uns des autres pour vivre pleinement notre humanité, comme le Père et le Fils sont égaux mais différents. Leur amour est productif : le Père engendre le Fils dans l'Esprit Saint. Notre amour pour nous-même stimule notre amour pour les autres et il est fécond. L'Eglise est cette circulation incessante de charité, de prévenance, de respect, de solidarité, qui font le lien entre les disciples de Jésus Christ pour les conduire tous ensemble vers le Père qui en est le seul Créateur.

Les talents que nous avons reçus et que nous tenons de Dieu sont des dons gratuits, des grâces, que la nature et la culture nous ont dotés. La vie, la santé, et dans une moindre mesure le caractère ou nos dispositions personnelles sont des talents qui nous sont donnés et que nous avons à faire fructifier. Il est important de les préserver pour soi-même comme des dons précieux et de lutter contre tous ceux qui les malmènent. L'avortement, l'euthanasie par exemple sont des contrefaçons de la nature pour lesquelles nous avons des difficultés à reconnaître des droits qui les banalisent : la vie qui est contenue dans le ventre d'une femme peut-elle être supprimée par elle seul au motif que c'est son ventre ? Voilà le genre d'aberrations qui nous troublent dans nos sociétés dites civilisées.

Les plus grands talents que nous ayons reçus sont d'après moi la liberté de l'Esprit qui invente le lendemain, c'est ensuite la Parole de Dieu bien comprise et méditée en Eglise de préférence qui nous pousse à agir pour construire et bâtir une terre nouvelle. Peu importe notre âge, notre sexe, notre race, notre culture, nous pouvons et nous devons apporter notre pierre à l'édifice commun du Royaume de Dieu. Ainsi nous sommes persuadés que les femmes ont une contribution importante à la construction de cet édifice et nous nous réjouissons que le récent synode sur la synodalité ait reconnu peut-être encore trop timidement cet apport essentiel. «  La femme vaillante, qui donc peut la trouver ? Elle est infiniment plus précieuse que les perles  » nous rappelait le Livre de la Sagesse.

Quant à chacun de nous, disons avec saint Paul aux Thessaloniciens que nous les fils de lumière et du jour, nous ne restons pas endormis comme les autres qui appartiennent à la nuit et aux ténèbres, mais soyons vigilants et restons sobres.

 

Ses mains travaillent volontiers

Une femme parfaite, qui la trouvera ? Elle est précieuse plus que les perles ! Son mari peut lui faire confiance : il ne manquera pas de ressources. Elle fait son bonheur, et non pas sa ruine, tous les jours de sa vie. Elle sait choisir la laine et le lin, et ses mains travaillent volontiers. Elle tend la main vers la quenouille, ses doigts dirigent le fuseau. Ses doigts s'ouvrent en faveur du pauvre, elle tend la main au malheureux.

Le charme est trompeur et la beauté s'évanouit ; seule, la femme qui craint le Seigneur mérite la louange. Célébrez-la pour les fruits de son travail : et qu'aux portes de la ville, ses ?uvres disent sa louange !

- Parole du Seigneur.

Pr 31, 10-13.19-20.30-31

Heureux qui craint le Seigneur et marche selon ses voies ! Tu te nourriras du travail de tes mains : Heureux es-tu ! À toi, le bonheur !

Ta femme sera dans ta maison comme une vigne généreuse, et tes fils, autour de la table, comme des plants d'olivier.

Voilà comment sera béni l'homme qui craint le Seigneur. De Sion, que le Seigneur te bénisse ! Tu verras le bonheur de Jérusalem tous les jours de ta vie.

Ps 127 (128), 1-2, 3, 4-5

Que le jour du Seigneur ne vous surprenne pas comme un voleur

Pour ce qui est des temps et des moments de la venue du Seigneur, vous n'avez pas besoin, frères, que je vous en parle dans ma lettre. Vous savez très bien que le jour du Seigneur vient comme un voleur dans la nuit. Quand les gens diront : « Quelle paix ! quelle tranquillité ! », c'est alors que, tout à coup, la catastrophe s'abattra sur eux, comme les douleurs sur la femme enceinte : ils ne pourront pas y échapper. Mais vous, frères, comme vous n'êtes pas dans les ténèbres, ce jour ne vous surprendra pas comme un voleur. En effet, vous êtes tous des fils de la lumière, des fils du jour ; nous n'appartenons pas à la nuit et aux ténèbres. Alors, ne restons pas endormis comme les autres, mais soyons vigilants et restons sobres.

- Parole du Seigneur.

1 Th 5, 1-6

Tu as été fidèle pour peu de choses, je t'en confierai beaucoup

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples cette parabole : « C'est comme un homme qui partait en voyage : il appela ses serviteurs et leur confia ses biens. À l'un il remit une somme de cinq talents, à un autre deux talents, au troisième un seul talent, à chacun selon ses capacités. Puis il partit.

Longtemps après, le maître de ces serviteurs revint et il leur demanda des comptes. Celui qui avait reçu cinq talents s'approcha, présenta cinq autres talents et dit : ?Seigneur, tu m'as confié cinq talents ; voilà, j'en ai gagné cinq autres.' Son maître lui déclara : ?Très bien, serviteur bon et fidèle, tu as été fidèle pour peu de choses, je t'en confierai beaucoup ; entre dans la joie de ton seigneur.' »

- Acclamons la Parole de Dieu.

Mt 25, 14-15.19-21