Homélie du 3 décembre 2023

Veillez, car vous ne savez pas quand vient le maître de la maison

dimanche, 1ère Semaine de l'Avent - Année B

Une homélie de fr. Pierre de Béthune

Homélie :
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«  Veillez !  » Comment entendre cet appel ? Est-ce que c'est un ordre ? Comme si, dès le premier dimanche de cette nouvelle année, la liturgie nous dit 'ce que nous devons faire'. Et dimanche prochain nous entendrons une autre injonction ; c'est Jean-Baptiste qui nous dira 'ce que nous devons faire', et puis au troisième dimanche on nous dira : «  Réjouissez-vous !  » Vous devez être dans la joie ! Tout au long de l'année, d'autres recommandations vont ainsi nous être faites, et dans l'homélie on vous dira comment faire pratiquement pour appliquer ces injonctions... Je comprends qu'une liturgie vécue de cette façon soit un peu lassante.

Mais «  Veillez !  » n'est pas une injonction ! L'évangile n'est pas un code de bonne conduite qui précise 'comment nous devons faire', il est un appel : «  Venez et voyez ! Avancez au large ! Montons ensemble sur la montagne ! Oui ! Heureux les pauvres de cœur ! Heureux les artisans de paix ! Regardez les oiseaux du ciel ! Venez, les bénis de mon Père !  » Et ici aussi, quand Jésus nous dit : «  veillez !  », c'est, un conseil d'ami, comme quand il dit : «  Regardez les signes du temps !  ».

C'est une invitation. Au début de cette nouvelle année liturgique, la liturgie nous invite à découvrir ou redécouvrir tout ce que le Seigneur a préparé pour nous, elle nous aide à accueillir le Seigneur lui-même, comme il vient, toujours nouvellement. C'est pour cela qu'il nous faut réapprendre à bien veiller.

En fait, il y a deux façons de veiller. Veiller tard, quand nous prolongeons la soirée pour continuer une rencontre, une conversation, un travail. Ou bien nous réveiller plus tôt, pour prier, pour être bien disposé à commencer la journée qui nous est donnée. Ces deux façons de veiller sont complémentaires. Le premier type d'éveil est une attention plus précise aux personnes, au travail, l'autre est une ouverture plus large à tout ce qui vient. Les deux sortes de veille sont importantes pour vivre selon l'évangile. Mais le texte d'aujourd'hui évoque surtout le deuxième type d'éveil.

En effet, il y est question de notre attention au moment de la venue du Seigneur, mais c'est un moment que nous ne connaissons pas d'avance. Il nous faut veiller, être sur le 'qui vive', dans l'ignorance. Quand Jésus nous demande de 'veiller', il nous invite donc d'abord à développer cette attention ouverte tous azimuts, ouverte au 'temps' qui nous est donné, pour être capable d'en tirer tout le parti. Et cette attention largement ouverte nous permet précisément de percevoir les appels qui sont adressés autour de nous, venant de toutes les directions, et à tout moment. Cependant c'est dans l'ignorance. N'est-ce pas aussi l'ignorance des disciples qui demandent : «  Quand est-ce que nous t'avons vu avoir faim et t'avons donné à manger ?  » Oui, la 'veille', l'attention que Jésus nous demande ici est cette ouverture large, cet éveil tout autour de nous, libre de préoccupation individuelle, pour pouvoir répondre librement, spontanément à ce qui nous sera demandé, quand nous rencontrerons quelqu'un qui a faim ou soif, ou a besoin d'une visite, ou quand nous entendrons tout autre invitation.

Mais ce seul type d'éveil tous azimut, - indispensable, - ne suffit pas. À côté de la grande ouverture pour accueillir l'inconnu, Jésus nous demande aussi, à certains moments, une attention précise à des situations qui se présentent à nous ; et en ces cas, il s'agit de concentrer notre attention, de la focaliser sur les exigences du moment, sur des personnes, mais aussi sur des appels précis de l'évangile, comme, par exemple «  Vous ne pouvez pas servir deux maîtres, Dieu et l'Argent  » ou «  Priez pour vos ennemis  » ou encore «  Qui cherche à sauver sa vie la perdra ; qui perd sa vie la trouvera  ». Ce sont là des paroles nettes, parfois difficiles ; il ne faut pas les esquiver, mais plutôt les laisser agir dans une attention priante. Cette attention est déjà une prière.

Mais toutes ces formes d'éveil sont portées par un grand désir, le désir de rencontrer le Seigneur. C'est ce long désir qu'exprimait déjà le prophète Isaïe quand il s'écriait : «  Reviens pour l'amour de tes serviteurs ! Ah ! si tu déchirais les cieux !  » Et le psalmiste : «  J'espère le Seigneur de toute mon âme ; mon âme attend le Seigneur plus qu'un veilleur ne guette l'aurore.  » Ce veilleur n'est pas comme la sentinelle qui attend la relève de la garde pour aller se coucher ! Il est celui du croyant qui est tendu de toute ses forces vers Celui qu'il aime sans l'avoir vu, qu'il attend pour combler son désir le plus intense.

Mes frères, mes sœurs, ce temps de l'Avent, le temps de l'attente, n'est donc pas que le décompte des jours qui nous séparent de Noël ! En accueillant dans la prière tous ces textes que nous offre la liturgie de l'Avent, de dimanche en dimanche, nous pouvons renouveler notre dynamisme spirituel, notre attente de la révélation du Seigneur parmi nous. Et nous savons que cette venue n'est pas une théophanie glorieuse, mais la venue au monde d'un petit enfant. Accueillir Dieu comme un enfant, un enfant démuni, voilà qui renouvelle notre vie religieuse et qui fonde notre espérance.

Enfin, rappelons-nous qu'au cours de cette eucharistie, après l'écoute des Écritures et la Prière universelle, nous pouvons encore vivre plus intensément la venue du Seigneur, quand, dans un instant, nous l'accueillerons qui vient mystérieusement dans le partage du pain. En communiant à son don de lui-même, en offrant, à notre tour, tout ce que nous sommes, - sans toujours savoir à quoi cela nous mènera, - le Seigneur Jésus nous éveille à la vraie vie. Et puis, en vivant tous les mystères du Christ de sa Naissance à sa Passion, nous pourrons aboutir à la célébration de sa Pâque. Nous pouvons alors toujours mieux entendre l'appel qu'il adresse à nous aussi : «  Éveille-toi, ô toi qui dors, relève-toi d'entre les morts, et le Christ t'illuminera.  » (Eph 5,14)

 

Ah ! Si tu déchirais les cieux, si tu descendais !

C'est toi, Seigneur, notre père ; « Notre-rédempteur-depuis-toujours », tel est ton nom. Pourquoi, Seigneur, nous laisses-tu errer hors de tes chemins ? Pourquoi laisser nos c?urs s'endurcir et ne plus te craindre ? Reviens, à cause de tes serviteurs, des tribus de ton héritage. Ah ! Si tu déchirais les cieux, si tu descendais, les montagnes seraient ébranlées devant ta face.

Voici que tu es descendu : les montagnes furent ébranlées devant ta face. Jamais on n'a entendu, jamais on n'a ouï dire, nul ?il n'a jamais vu un autre dieu que toi agir ainsi pour celui qui l'attend. Tu viens rencontrer celui qui pratique avec joie la justice, qui se souvient de toi en suivant tes chemins. Tu étais irrité, mais nous avons encore péché, et nous nous sommes égarés. Tous, nous étions comme des gens impurs, et tous nos actes justes n'étaient que linges souillés. Tous, nous étions desséchés comme des feuilles, et nos fautes, comme le vent, nous emportaient. Personne n'invoque plus ton nom, nul ne se réveille pour prendre appui sur toi. Car tu nous as caché ton visage, tu nous as livrés au pouvoir de nos fautes. Mais maintenant, Seigneur, c'est toi notre père. Nous sommes l'argile, c'est toi qui nous façonnes : nous sommes tous l'ouvrage de ta main. - Parole du Seigneur.

Is 63, 16b-17.19b ; 64, 2b-7

Berger d'Israël, écoute, resplendis au-dessus des Kéroubim ! Réveille ta vaillance et viens nous sauver.

Dieu de l'univers, reviens ! Du haut des cieux, regarde et vois : visite cette vigne, protège-la, celle qu'a plantée ta main puissante.

Que ta main soutienne ton protégé, le fils de l'homme qui te doit sa force. Jamais plus nous n'irons loin de toi : fais-nous vivre et invoquer ton nom !

79 (80), 2ac.3bc, 15-16a, 18-19

Nous attendons de voir se révéler notre Seigneur Jésus Christ

Frères, à vous, la grâce et la paix, de la part de Dieu notre Père et du Seigneur Jésus Christ. Je ne cesse de rendre grâce à Dieu à votre sujet, pour la grâce qu'il vous a donnée dans le Christ Jésus ; en lui vous avez reçu toutes les richesses, toutes celles de la parole et de la connaissance de Dieu. Car le témoignage rendu au Christ s'est établi fermement parmi vous. Ainsi, aucun don de grâce ne vous manque, à vous qui attendez de voir se révéler notre Seigneur Jésus Christ. C'est lui qui vous fera tenir fermement jusqu'au bout, et vous serez sans reproche au jour de notre Seigneur Jésus Christ. Car Dieu est fidèle, lui qui vous a appelés à vivre en communion avec son Fils, Jésus Christ notre Seigneur.

- Parole du Seigneur.

1 Co 1, 3-9

Veillez, car vous ne savez pas quand vient le maître de la maison

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Prenez garde, restez éveillés : car vous ne savez pas quand ce sera le moment. C'est comme un homme parti en voyage : en quittant sa maison, il a donné tout pouvoir à ses serviteurs, fixé à chacun son travail, et demandé au portier de veiller. Veillez donc, car vous ne savez pas quand vient le maître de la maison, le soir ou à minuit, au chant du coq ou le matin ; s'il arrive à l'improviste, il ne faudrait pas qu'il vous trouve endormis. Ce que je vous dis là, je le dis à tous : Veillez ! »

- Acclamons la Parole de Dieu.

Mc 13, 33-37