Homélie du 17 mai 2020

Moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre Défenseur

6ème Dimanche de Pâques - Année A

Une homélie de fr. Benoît Standaert

Bienvenue à vous tous, chers frères et soeurs, en cette fête de l'Ascension. Sursum corda ! « Les coeurs en haut » ! Soyons pleinement à la hauteur de ce que nous célébrons en tenant le coeur ouvert et centré sur le mystère du Christ ressuscité, contemplé aujourd'hui dans son élévation à la droite du Père. Là il attire tous les hommes et là il intercède sans cesse pour nous tous. Le mystère du Christ ressuscité est comme un diamant à multiple facettes : et la liturgie nous donne de découvrir tantôt l'un tantôt l'autre aspect de ce mystère. C'est Luc surtout, dans les Actes et dans son évangile, qui nous décrit cet événement du rapt de Jésus - comme un autre Élie, voire un autre Moïse - rejoignant la sphère divine en montant. L'Ascension est une fête verticale, comme la fête du baptême. Demeurons aujourd'hui sur l'axe vertical. Écoutons les Écritures, considérons les icônes, et nourrissons l'homme intérieur qui se renouvelle de gloire en gloire en méditant, priant et invoquant le Christ qui a tout pouvoir au ciel et sur la terre. Kyrie eleison.

Homélie

« Dieu s'élève parmi les ovations, le Seigneur aux éclats du cor ! » Voilà le verset du psaume que nous avons médité après le récit de l'Ascension, rapporté par Luc dans les Actes des apôtres. Dieu monte, Dieu s'élève, et plus il monte, plus loin s'étend son règne, plus il répand sa gloire sur tout l'univers. C'est là une intuition forte de l'ancienne liturgie dans le temple à Jérusalem. Par les chants on fait monter Dieu, et par son élévation il se communique toujours plus largement. La louange modifie notre rapport à Dieu, elle lui permet de se révéler dans toute sa grandeur, dans toute sa beauté et sa gloire. La liturgie reprend ces mouvements de foi et d'adoration en les cristallisant aujourd'hui sur Jésus ressuscité.

Si Luc nous raconte - très brièvement, en une seule phrase ! - l'épisode; Paul dans la seconde lecture prie intensément pour que nous arrivions à saisir pleinement le mystère du Christ en gloire :

Daigne le Dieu de notre Seigneur Jésus Christ, le Père de la gloire, vous donner un esprit de sagesse et de révélation, qui vous le fasse vraiment connaître ! 18 Puisse-t-il illuminer les yeux de votre coeur

pour vous faire voir quelle espérance vous ouvre son appel.

quels trésors de gloire renferme son héritage parmi les saints.

19 et quelle extraordinaire grandeur sa puissance revêt pour nous, les croyants, selon la vigueur de sa force, qu'il a déployée en la personne du Christ, le ressuscitant d'entre les morts et le faisant siéger à sa droite, dans les cieux -

Avec les yeux de notre coeur il s'agit de voir, de contempler, de saisir et d'être saisi par la force, la beauté, la gloire qui émanent du Christ glorifié, assis à la droite du Père. « Il a tout mis sous ses pieds », rappelle-t-il encore avec un autre verset de psaume, et cela nous affecte car nous sommes comme Église son corps. De la tête il transmet à tout son corps puissance, énergie, force, vigueur - quatre termes pour essayer de dire la transmission victorieuse qu'il nous communique, une plénitude qui embrasse tout car ce Corps ecclésial est « rempli de la plénitude de Celui qui remplit tout en tous » ! Cette page de l'épître aux Éphésiens mérite d'être lue et relue, et méditée : que veut dire : « il a tout mis sous ses pieds » ? Que signifie cette belle formule de « tout en tous » qui vaut pour Dieu, également pour le Christ mais finalement même pour nous comme Église, le corps de Celui qui remplit tout en tous- !

L'évangile du jour renchérit sur tout cela avec la sobriété et densité du théologien Matthieu. La toute dernière scène de son évangile, ce que nous venons de lire, se situe en Galilée, sur une haute montagne, et non pas au mont des Oliviers, comme chez saint Luc. Chez Matthieu c'est la septième montagne dans son grand récit. Elle rappelle la fin du Deutéronome où Moïse depuis le Mont Nébo regarde toute la terre promise. Ici Jésus ressuscité regarde depuis la montagne de Galilée toutes les nations ! Son discours se résume en cinq verbes. Deux le concernent lui, trois s'adressent à ses disciples. La première et la dernière phrase révèlent Jésus dans l'espace et dans le temps.

« Tout pouvoir m'a été donné au ciel et sur la terre ». Voilà l'ouverture qui fait du Christ ressuscité celui qui remplit tout l'espace, à partir du haut, du ciel, de Dieu. Il se communique en une descente, vers la terre, vers nous. Il assure en finale : « Voici, je suis avec vous tous les jours jusqu'à la fin du monde ». Ici il dit sa proximité, être avec nous l'Emmanuel à jamais, dans tout le temps disponible. Il remplit et le temps et l'espace avec sa force - « tout pouvoir m'a été donné » - et avec sa tendresse et proximité - « Je suis avec vous ».

Or c'est au milieu de ces deux grands verbes qu'a lieu l'événement de l'Eglise, décrit en trois verbes : « Allez ! faites des disciples de toutes les nations en les baptisant et en leur enseignant à observer tout ce que je vous ai commandé », à savoir que toute la Torah se récapitule dans le double commandement de l'amour qui n'en fait qu'un !

Être Église, c'est donc se mouvoir dans cet espace ouvert par la victoire du Christ ressuscité. C'est ouvrir une école de disciples, une école de liberté, saint Benoît dirait : « une école de service du Seigneur ». On devient libre en entrant dans ce service ! On le vit bien en pratiquant le rite fondamental, le baptême, et en observant tout l'enseignement de Jésus qui inculque en tout l'amour.

Et au coeur de tout ce message il y a le Nom de « Père, Fils et Esprit saint » ! L'Église respire bien quand elle réalise combien elle se meut dans l'espace christique de celui qui a dit : « Tout pouvoir m'a été donné au ciel et sur la terre », et « Je suis avec vous tous les jours ». L'Église porte en elle un mystère plus large encore que le mystère du Christ, car elle baptise « dans le Nom du Père et du Fils et du Saint Esprit ». Le trésor que nous portons à l'intérieur est plus vaste que tout ce qui nous encadre et nous soutient de l'extérieur.

Avançons ainsi, le coeur illuminé, comme disait la prière de Paul, le coeur élevé, comme le disent les psaumes et l'ouverture de la préface, le coeur attiré car « Quand je serai élevé de terre, j'attirerai tous les hommes à moi ! » Cette traction-là, il importe de la ressentir avant tout. Que cette liturgie eucharistique rende présent pour chacun de nous le « tout pouvoir donné » et la proximité de celui qui veut être avec nous tout le temps. Que les paroles et les gestes se conjuguent harmonieusement pour transmettre ce que Jésus nous a enseigné : être amour parce que aimés depuis toujours. Amen.

 

Pierre et Jean leur imposèrent les mains, et ils reçurent l'Esprit Saint

En ces jours-là, Philippe, l'un des Sept, arriva dans une ville de Samarie, et là il proclamait le Christ. Les foules, d'un même c?ur, s'attachaient à ce que disait Philippe, car elles entendaient parler des signes qu'il accomplissait, ou même les voyaient. Beaucoup de possédés étaient délivrés des esprits impurs, qui sortaient en poussant de grands cris. Beaucoup de paralysés et de boiteux furent guéris. Et il y eut dans cette ville une grande joie.

Les Apôtres, restés à Jérusalem, apprirent que la Samarie avait accueilli la parole de Dieu. Alors ils y envoyèrent Pierre et Jean. À leur arrivée, ceux-ci prièrent pour ces Samaritains afin qu'ils reçoivent l'Esprit Saint ; en effet, l'Esprit n'était encore descendu sur aucun d'entre eux : ils étaient seulement baptisés au nom du Seigneur Jésus. Alors Pierre et Jean leur imposèrent les mains, et ils reçurent l'Esprit Saint.

- Parole du Seigneur.

Ac 8, 5-8.14-17

Acclamez Dieu, toute la terre ; fêtez la gloire de son nom, glorifiez-le en célébrant sa louange. Dites à Dieu : « Que tes actions sont redoutables ! »

Toute la terre se prosterne devant toi, elle chante pour toi, elle chante pour ton nom. Venez et voyez les hauts faits de Dieu, ses exploits redoutables pour les fils des hommes.

Il changea la mer en terre ferme : ils passèrent le fleuve à pied sec. De là, cette joie qu'il nous donne. Il règne à jamais par sa puissance.

Venez, écoutez, vous tous qui craignez Dieu : je vous dirai ce qu'il a fait pour mon âme ; Béni soit Dieu qui n'a pas écarté ma prière, ni détourné de moi son amour !

Ps 65 (66), 1-3a, 4-5, 6-7a, 16.20

Dans sa chair, il a été mis à mort ; dans l'esprit, il a reçu la vie

Bien-aimés, honorez dans vos c?urs la sainteté du Seigneur, le Christ. Soyez prêts à tout moment à présenter une défense devant quiconque vous demande de rendre raison de l'espérance qui est en vous ; mais faites-le avec douceur et respect. Ayez une conscience droite, afin que vos adversaires soient pris de honte sur le point même où ils disent du mal de vous pour la bonne conduite que vous avez dans le Christ. Car mieux vaudrait souffrir en faisant le bien, si c'était la volonté de Dieu, plutôt qu'en faisant le mal. Car le Christ, lui aussi, a souffert pour les péchés, une seule fois, lui, le juste, pour les injustes, afin de vous introduire devant Dieu ; il a été mis à mort dans la chair ; mais vivifié dans l'Esprit.

- Parole du Seigneur.

1 P 3, 15-18

Moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre Défenseur

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Si vous m'aimez, vous garderez mes commandements. Moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre Défenseur qui sera pour toujours avec vous : l'Esprit de vérité, lui que le monde ne peut recevoir, car il ne le voit pas et ne le connaît pas ; vous, vous le connaissez, car il demeure auprès de vous, et il sera en vous. Je ne vous laisserai pas orphelins, je reviens vers vous. D'ici peu de temps, le monde ne me verra plus, mais vous, vous me verrez vivant, et vous vivrez aussi. En ce jour-là, vous reconnaîtrez que je suis en mon Père, que vous êtes en moi, et moi en vous. Celui qui reçoit mes commandements et les garde, c'est celui-là qui m'aime ; et celui qui m'aime sera aimé de mon Père ; moi aussi, je l'aimerai, et je me manifesterai à lui. »

- Acclamons la Parole de Dieu.

Jn 14, 15-21