Une homélie de fr. Yves de patoul
Homélie sur Jn 2,13-24
Si la fête que nous célébrons aujourd'hui, la Dédicace de la basilique du Latran, la cathédrale de l'évêque de Rome - un édifice magnifique qui date du XVIII e S.-, ne nous dit pas grand 'chose, les textes que la liturgie nous proposent sont, eux, très instructifs. Tous ils nous parlent de temple ou sanctuaire, ce lieu sacré où l'on prie Dieu, un lieu qui lui est consacré, un lieu où le peuple se rassemble et où il se façonne et est façonné par Dieu. Ezéchiel dit que toutes les eaux qui en sortent assainissent ce qu'elles pénètrent. Le temple du peuple juif, comme nous le savons, a subi de nombreux avatars (constructions, destructions, profanation, consécration, reconstruction). Le temple de Jérusalem quant à lui est un lieu très important. De nombreux événements y ont lieu dont le pèlerinage annuel de tous les juifs pieux et la fin de la vie de Jésus lui-même marquée par la prophétie de sa destruction (elle aura lieu vers l'an 70 par les Romains). Nous sommes toujours impressionnés par la figure d'un Jésus fâché, qui tient en main un fouet pour chasser les vendeurs du Temple. Pour Jésus, ceux-ci dénaturent la fonction du temple qui est un lieu sacré où le commerce est absolument prohibé.
Après l'avoir dit à la Samaritaine au bord d'un puit d'eau vive, il révèle que, après sa mort c'est son corps qui devient le lieu sacré d'adoration. Saint Paul, de son côté nous dit que le corps de tout chrétien habité par l'Esprit saint est un sanctuaire, un lieu sacré qui ne peut être profané. Notons déjà que de nombreuses revendications et pratiques contemporaines vont sans aucun doute à l'encontre de ces écritures saintes. On pourrait les énumérer mais la principale est le martyre que subissent les chrétiens à cause de leur foi. Mais on pourrait parler des viols, des incestes, des avortements et des suicides programmés d'adultes. Laissons cela à d'autres.
Dans une lecture littérale, un peu fondamentaliste de notre évangile, Jésus chassant les vendeurs du Temple accomplirait un acte de purification comme tous ceux qui, voudraient par exemple accomplir des actes liturgiques de réparation pour une profanation de lieux sacrés. Comme si le sacré ne concernait que la pureté rituelle (souvent associée à la sexualité) ! Il s'agit ici de choses plus graves : c'est l'argent qui biaise les relations avec Dieu. Dieu est pur amour, il ne calcule pas ; on ne marchande pas avec lui. Nous sommes conduits à retourner à des fondamentaux : le temple, l'église pour nous, bref le sacré est un lieu où la gratuité est de rigueur. Le commerce, le trafic est à l'opposé de la prière, de la grâce. La gratuité n'y a pas sa place. Or dans notre quotidien, la règle la plus commune est que le business, les affaires, le commerce, c'est pour s'en enrichir personnellement, même et souvent hélas au détriment des autres. La loi du plus fort, du plus puissant, du plus riche est balayée, elle est fouettée par Jésus.
C'est ici l'occasion de faire quelques considérations sur la tension souvent très dure entre Dieu et Mammon, l'argent qui a submergé nos sociétés occidentales qui rêvent de richesse, d'épanouissement, de liberté et de bonheur sans beaucoup soucier d'autrui. « Les autres » c'est les peuples opprimés au moyen orient, en Afrique ou en Asie, mais c'est aussi des concitoyens qui ont des difficultés tous les mois à boucler leur budget ou qui viennent sonner à notre porte ou bien solliciter notre aide financière à travers des organisations humanitaires.
Jadis, c'était l'Église qui prenait en charge tous les besoins d'assistance, y c. les soins de santé et l'éducation. Aujourd'hui l'Etat a pris le relais en ce qui concerne les besoins fondamentaux (hôpitaux, écoles, assistance sociale). Mais il le fait avec des gros moyens et sans âme, sans humanité diront certains. C'est pourquoi sont apparues ces dernières décennies des initiatives privées que l'on groupe sous le nom général de « société civile » : des associations innombrables et de tout genre qui prennent en charge des besoins que l'Etat ne veut plus ou ne peut plus prendre en charge. Ce sont des asbl, des Ong ou encore des fondations dont le rayon d'action est parfois très grand lorsqu'elles reçoivent des dons privés importants. Toutes elles suppléent aux carences de l'Etat qui n'est plus l'Etat-providence qui pouvait régler tous les problèmes sociaux.
Ce qui est intéressant de souligner c'est la gratuité des services. Ces associations, caritatives ou non, chrétiennes ou non, fonctionnent en grande partie avec le bénévolat pour assurer gratuitement des services ou des aides. Il n'y a plus qu'une petite franche de la société qui est sur le pavé. Certaines associations leur viennent en aide. Je tire mon chapeau à tous ceux qui vont à leur rencontre. À une échelle plus vaste, c'est vrai aussi. Je vous cite deux phrases tirées de Benoit XVI : « Si le développement économique, social et politique veut être authentiquement humain, il doit prendre en considération le principe de gratuité comme expression de fraternité. Ou encore marché n'arrive pas à produire la cohésion sociale dont il a pourtant besoin pour bien: Abandonné au seul principe de l'équivalence de valeur des biens échangés, le fonctionner. Sans formes internes de solidarité et de confiance réciproque, le marché ne peut pleinement remplir sa fonction économique. Aujourd'hui, c'est cette confiance qui fait défaut, et la perte de confiance est une perte grave (Caritas in veritate). Le capitalisme ne crée pas une société juste et solidaire. La religion qui enseigne la gratuité de l'amour est un correctif indispensable à nos sociétés où règne en maitre la libre circulation des biens selon les lois du marché.
Pour terminer, je voudrais vous proposer l'esquisse d'une lecture spirituelle de l'évangile de Jean. On pourrai résumer cette lecture par ces mots : « chassez énergiquement de votre cœur tous vos petits trafics avec Dieu qui vous éloignent de lui, sinon il va vous chasser vous aussi ». Je vous cite à titre d'exemple Maître Eckhart (mystique rhénan du XIII ème S.) qui, parlant des dévots de son temps, écrivait ceci : « Tous ceux-là sont des marchands qui se gardent des grosses fautes et seraient volontiers de bonnes personnes et font leurs œuvres pour l'amour de Dieu, jeûnent, veillent, prient, et quoi encore, font des bonnes œuvres de toute espèce et pourtant les font dans l'intention que Notre-Seigneur leur donne quelque chose en échange ou leur fasse ce qui leur est agréable. Tous ces gens-là sont des marchands ! Je souligne qu'aussi longtemps que l'homme cherche quoi que ce soit avec ses œuvres, qu'il désire que Dieu lui donne quoi que ce soit, maintenant ou un jour, il est pareil à ces marchands ! Si tu veux une bonne fois t'affranchir de tous ces trafics de commerçants, fais tout ce que tu peux en bonnes œuvres, honnêtement, à l'unique louange de Dieu. Tu ne dois rien vouloir avoir en échange ! Quand tu agis dans de telles dispositions, tes œuvres sont inspirées et divines. Ce n'est que quand l'homme n'a que Dieu dans le cœur que les négociants sont vraiment chassés du temple ». (Sermons, 1 traduit par Lauret Jouvet)
Le véritable sanctuaire c'est vous, nous dit saint Paul. « Ils me feront un sanctuaire et j'habiterai au milieu d'eux ». Exode 25,8. « Je mettrai mon esprit en vous et vous vivrez » Ezéchiel 37,14. « Si quelqu'un m'aime, nous viendrons chez lui et nous ferons chez lui notre demeure » Jean 24,23. À l'intérieur de ce sanctuaire, on n'achète rien ; on ne marchande rien, mais on demande tout, mais tout s'obtient gratuitement, par grâce.
Terminons par ce verset du psalmiste : « J'ai demandé une chose au Seigneur : habiter la maison du Seigneur tous les jours de ma vie, pour admirer le Seigneur dans sa beauté et m'attacher à son temple » Ps 26,4
Fr. Yves de Patoul
En ces jours-là, au cours d'une vision reçue du Seigneur, l'homme me fit revenir à l'entrée de la Maison, et voici : sous le seuil de la Maison, de l'eau jaillissait vers l'orient, puisque la façade de la Maison était du côté de l'orient. L'eau descendait de dessous le côté droit de la Maison, au sud de l'autel. L'homme me fit sortir par la porte du nord et me fit faire le tour par l'extérieur, jusqu'à la porte qui fait face à l'orient, et là encore l'eau coulait du côté droit. Il me dit : « Cette eau coule vers la région de l'orient, elle descend dans la vallée du Jourdain, et se déverse dans la mer Morte, dont elle assainit les eaux. En tout lieu où parviendra le torrent, tous les animaux pourront vivre et foisonner. Le poisson sera très abondant, car cette eau assainit tout ce qu'elle pénètre, et la vie apparaît en tout lieu où arrive le torrent. Au bord du torrent, sur les deux rives, toutes sortes d'arbres fruitiers pousseront ; leur feuillage ne se flétrira pas et leurs fruits ne manqueront pas. Chaque mois ils porteront des fruits nouveaux, car cette eau vient du sanctuaire. Les fruits seront une nourriture, et les feuilles un remède. »
- Parole du Seigneur.
OU BIEN
Antienne Vidi aquam) (Ez 47, 1-2.8-9.12
Dieu est pour nous refuge et force, secours dans la détresse, toujours offert. Nous serons sans crainte si la terre est secouée, si les montagnes s'effondrent au creux de la mer.
Le Fleuve, ses bras réjouissent la ville de Dieu, la plus sainte des demeures du Très-Haut. Dieu s'y tient : elle est inébranlable ; quand renaît le matin, Dieu la secourt.
Il est avec nous, le Seigneur de l'univers ; citadelle pour nous, le Dieu de Jacob ! Venez et voyez les actes du Seigneur, Il détruit la guerre jusqu'au bout du monde.
Ps 45 (46), 2-3, 5-6, 8-9a.10a
Frères, vous êtes une maison que Dieu construit. Selon la grâce que Dieu m'a donnée, moi, comme un bon architecte, j'ai posé la pierre de fondation. Un autre construit dessus. Mais que chacun prenne garde à la façon dont il contribue à la construction. La pierre de fondation, personne ne peut en poser d'autre que celle qui s'y trouve : Jésus Christ.
Ne savez-vous pas que vous êtes un sanctuaire de Dieu, et que l'Esprit de Dieu habite en vous ? Si quelqu'un détruit le sanctuaire de Dieu, cet homme, Dieu le détruira, car le sanctuaire de Dieu est saint, et ce sanctuaire, c'est vous.
- Parole du Seigneur.
1 Co 3, 9c-11.16-17
Comme la Pâque juive était proche, Jésus monta à Jérusalem. Dans le Temple, il trouva installés les marchands de b?ufs, de brebis et de colombes, et les changeurs. Il fit un fouet avec des cordes, et les chassa tous du Temple, ainsi que les brebis et les b?ufs ; il jeta par terre la monnaie des changeurs, renversa leurs comptoirs, et dit aux marchands de colombes : « Enlevez cela d'ici. Cessez de faire de la maison de mon Père une maison de commerce. » Ses disciples se rappelèrent qu'il est écrit : L'amour de ta maison fera mon tourment. Des Juifs l'interpellèrent : « Quel signe peux-tu nous donner pour agir ainsi ? » Jésus leur répondit : « Détruisez ce sanctuaire, et en trois jours je le relèverai. » Les Juifs lui répliquèrent : « Il a fallu quarante-six ans pour bâtir ce sanctuaire, et toi, en trois jours tu le relèverais ! » Mais lui parlait du sanctuaire de son corps.
Aussi, quand il se réveilla d'entre les morts, ses disciples se rappelèrent qu'il avait dit cela ; ils crurent à l'Écriture et à la parole que Jésus avait dite.
- Acclamons la Parole de Dieu.
Jn 2, 13-22