Homélie du 7 novembre 2021

 Cette pauvre veuve a mis plus que tous les autres 

32ème dimanche du Temps Ordinaire ? Année B

Une homélie de fr. Yves de patoul

Homélie :
avancez jusqu'à  28' 55' 00"

Autant nous avons de la sympathie et de l'admiration pour cette pauvre veuve qui donne en offrande pour le Bon Dieu le peu qu'elle a, autant nous avons de l'antipathie et de l'aversion pour ces scribes prétentieux à la piété affectée et qui profitent du malheur des autres. Quel contraste entre ces deux figures dessinées par Jésus lui-même ! Mais soyons francs : jamais nous ne voudrions faire ce que cette veuve a fait, se dépouiller de tous ses biens. C'est bien là le noeud de la question : elle, elle a tout donné. Lui ressembler c'est aimer la pauvreté (expression de saint Ignace de Loyola), c'est vivre de la grâce de Dieu, de l'amour des autres, l'amour qu'elle donne et l'amour qu'elle reçoit en récompense de l'amour qu'elle donne. C'est sa richesse, une richesse qui est plus grande que celle des riches. C'est vivre comme le Christ.

Saint Ignace disait à ses compagnons de Jésus qu'il fallait «  chercher à aimer la pauvreté comme une mère  ». Oui, car la pauvreté nous libère de nous-mêmes, du souci de notre position ; par elle nous sommes conduits naturellement à l'ouverture. C'est l'expérience la plus évidente de mes 14 années passées en Afrique à Kinshasa. Ceux qui vivent dans une pauvreté réelle, celle qui n'est pas recherchée, sont souvent plus heureux que ceux qui vivent dans l'aisance ou la richesse. Et ils partagent plus facilement.

Cet évangile nous interpelle : que donnons-nous au Seigneur  « Comment donnons-nous  » Un petit peu  « notre superflu ou davantage  » Le Christ est-il à la périphérie de notre vie ou bien est-il au centre  « Savons-nous donner le tout de notre vie comme la veuve de l'évangile  » C'est-à-dire notre temps, notre énergie, notre vie, tout notre coeur ? Si nous réalisons bien que tout ce que nous sommes et tout ce que nous avons est un don de Dieu, que nous recevons tout gratuitement, alors comment mesurons-nous le don que nous lui faisons  « Y aurait-il des endroits cachés que nous gardons secrètement pour nous sans rien partager, des parties de notre être qui restent à évangéliser  »

Revenons à la veuve que Jésus a observée dans le temple. Elle qui était pauvre, elle a donné malgré sa pauvreté. Sa pauvreté ne l'a pas découragée à donner contrairement aux riches qui calculent toujours. En donnant tout ce qu'elle avait, elle a fait une folie, c'est comme si elle s'était donnée elle-même à Dieu en offrande. Comme la veuve de Sarepta qui a sacrifié sa dernière poignée de farine pour le prophète Élie, elle ne s'est posée aucune question, sûre qu'en donnant tout ce qui lui restait elle recevrait tout ce qui lui faut pour vivre. Ces femmes de l'évangile me font penser à toutes ces personnes qui passent tout leur temps à nourrir les indigents, les pauvres de nos grandes villes, les immigrés, sans papier. Elles sont des témoins vivants de l'évangile, qu'elles soient ou non croyantes. Pensons également à tous ceux qui ont secouru les sinistrés des récentes inondations : quels exemples que tous ces hommes et ces femmes qui ont fait de longs déplacements pour leur venir en aide !

Ces veuves de la Bible nous enseignent autre chose : il ne faut pas avoir honte de sa pauvreté. Nous sommes tous pauvres, de différentes manières. Nous manquons tous de quelque chose et cela nous chagrine ou nous handicape. Nous manquons l'un de ceci, l'autre de cela. Ne nous mettons pas en peine pour offrir à Dieu nos manques, nos pauvretés. Croyons que Dieu nous accepte tels que nous sommes, qu'il aime même notre pauvreté. Il nous accueille comme il a accueilli son Fils Jésus, «  lui de riche qu'il était s'est fait pauvre pour nous enrichir par sa pauvreté  ». La pauvre veuve de l'évangile nous a montré, comme le Christ l'a fait et enseigné, le vrai chemin : oui nous sommes pauvres mais nous savons ce qu'il faut en faire : la présenter au Seigneur et nous mettre sans attendre à son service tels que nous sommes, tels que Dieu nous voit et nous aime.

Notre pauvreté peut résider dans une quantité de biens qu'il convient de regarder avec discernement : il y a les biens essentiels comme la nourriture, les vêtements, un toit et du chauffage. Ceux qui en manquent beaucoup sont de véritables pauvres et nous devons tout faire pour qu'ils soient humainement satisfaits; quant à nous les nantis, leur privation n'est pas dramatique et elle est parfois bienfaisante. Il en est ainsi certainement pour les biens moins essentiels : tout ce qui tourne autour des loisirs et de la récréation. Il y a ensuite les aptitudes, les affections qui sont des biens importants, mais dont nous pouvons manquer ou être privés pour différentes raisons. Manquer d'éducation par exemple peut nous entraîner à des terribles désillusions : on est excusable. On peut manquer aussi de talents, d'habileté. Il suffit bien souvent de s'en rendre compte et de s'aimer tel que nous sommes et non pas tel que nous voudrions être. Enfin, il y a les biens spirituels dont nous pouvons manquer et qui peuvent faire de nous des pauvres de coeur. Ceux-là seuls sont dépendants de notre volonté et peuvent s'acquérir facilement par la prière.

La pauvre veuve de l'évangile d'aujourd'hui nous donne cet enseignement : tous ces manques qui font de moi un véritable pauvre, je les offre au Seigneur, je me confie à lui pour qu'il me remplisse de sa richesse qui est son amour infini pour les pauvres créatures que nous sommes. On pourrait s'exprimer avec les mots de Paul : ma faiblesse, c'est ma seule richesse que je t'offre. Je te donne tout ce que j'ai, tout ce que je suis : comble-moi Seigneur de ta miséricorde infinie pour que je puisse vivre en enfants de Dieu qui reçoit tout de son Père comme il en a été pour toi.

Elle rejoint parfaitement la béatitude des pauvres dans la version de saint Luc mais aussi des pauvres en esprit selon saint Mathieu : «  bienheureux les pauvres en esprit car le Royaume de Dieu est à eux  ». Le vrai disciple du Christ est celui qui reconnaît ses manques, ses manquements, sa pauvreté et qui les offre au Seigneur. En échange, le Seigneur lui offre la participation à la vie divine.

Les deux veuves de notre liturgie, celle de Sarepta où régnait la famine et celle qui offrit les deux seules piécettes qu'elle possédait au temple et cela au regard de Jésus (ce temple qui sera d'ailleurs détruit peu de temps après), elles sont toutes deux des belles figures du Christ, lui qui a offert sa vie entière pour nous sauver tous de nos péchés.

Dans cette eucharistie que nous allons célébrer, offrons à Dieu tout ce que nous sommes, nos faiblesses et nos péchés en particulier pour qu'il les prenne en grâce et nous les rendent en force vive, en énergie nouvelle à son service, Amen.

 

Avec sa farine la veuve fit une petite galette et l'apporta à Élie

En ces jours-là, le prophète Élie partit pour Sarepta, et il parvint à l'entrée de la ville. Une veuve ramassait du bois ; il l'appela et lui dit : « Veux-tu me puiser, avec ta cruche, un peu d'eau pour que je boive ? » Elle alla en puiser. Il lui dit encore : « Apporte-moi aussi un morceau de pain. » Elle répondit : « Je le jure par la vie du Seigneur ton Dieu : je n'ai pas de pain. J'ai seulement, dans une jarre, une poignée de farine, et un peu d'huile dans un vase. Je ramasse deux morceaux de bois, je rentre préparer pour moi et pour mon fils ce qui nous reste. Nous le mangerons, et puis nous mourrons. » Élie lui dit alors : « N'aie pas peur, va, fais ce que tu as dit. Mais d'abord cuis-moi une petite galette et apporte-la moi ; ensuite tu en feras pour toi et ton fils. Car ainsi parle le Seigneur, Dieu d'Israël : Jarre de farine point ne s'épuisera, vase d'huile point ne se videra, jusqu'au jour où le Seigneur donnera la pluie pour arroser la terre. » La femme alla faire ce qu'Élie lui avait demandé, et pendant longtemps, le prophète, elle-même et son fils eurent à manger. Et la jarre de farine ne s'épuisa pas, et le vase d'huile ne se vida pas, ainsi que le Seigneur l'avait annoncé par l'intermédiaire d'Élie.

- Parole du Seigneur.

1 R 17, 10-16

Le Seigneur garde à jamais sa fidélité, il fait justice aux opprimés ; aux affamés, il donne le pain ; le Seigneur délie les enchaînés.

Le Seigneur ouvre les yeux des aveugles, le Seigneur redresse les accablés, le Seigneur aime les justes, le Seigneur protège l'étranger.

Il soutient la veuve et l'orphelin, il égare les pas du méchant. D'âge en âge, le Seigneur régnera : ton Dieu, ô Sion, pour toujours !

Ps 145 (146), 6c.7, 8-9a, 9bc-10

Le Christ s'est offert une seule fois pour enlever les péchés de la multitude

Le Christ n'est pas entré dans un sanctuaire fait de main d'homme, figure du sanctuaire véritable ; il est entré dans le ciel même, afin de se tenir maintenant pour nous devant la face de Dieu. Il n'a pas à s'offrir lui-même plusieurs fois, comme le grand prêtre qui, tous les ans, entrait dans le sanctuaire en offrant un sang qui n'était pas le sien ; car alors, le Christ aurait dû plusieurs fois souffrir la Passion depuis la fondation du monde. Mais en fait, c'est une fois pour toutes, à la fin des temps, qu'il s'est manifesté pour détruire le péché par son sacrifice. Et, comme le sort des hommes est de mourir une seule fois et puis d'être jugés, ainsi le Christ s'est-il offert une seule fois pour enlever les péchés de la multitude ; il apparaîtra une seconde fois, non plus à cause du péché, mais pour le salut de ceux qui l'attendent.

- Parole du Seigneur.

He 9, 24-28

Cette pauvre veuve a mis plus que tous les autres

En ce temps-là, Jésus s'était assis dans le Temple en face de la salle du trésor, et regardait comment la foule y mettait de l'argent. Beaucoup de riches y mettaient de grosses sommes. Une pauvre veuve s'avança et mit deux petites pièces de monnaie. Jésus appela ses disciples et leur déclara : « Amen, je vous le dis : cette pauvre veuve a mis dans le Trésor plus que tous les autres. Car tous, ils ont pris sur leur superflu, mais elle, elle a pris sur son indigence : elle a mis tout ce qu'elle possédait, tout ce qu'elle avait pour vivre. »

- Acclamons la Parole de Dieu.

Mc 12, 41-44