Une homélie de fr. Yves de patoul
Avec ce troisième dimanche de Pâques, la liturgie clôture le cycle des apparitions du Christ ressuscité à ses disciples. Elle nous propose aujourd'hui ce récit à rebondissements d'une pêche miraculeuse. Dans un premier temps, Jésus leur apparaît à l'aube au bord du lac, alors qu'ils reviennent d'une pêche infructueuse qui avait duré toute la nuit. Après les avoir interpellés sur quelque chose à manger, et après une réponse négative, Jésus (qu'ils n'ont pas encore identifié) leur enjoint de jeter les filets du côté droit - le divin est toujours à droite - ; ce qu'ils font, et cela leur vaut une pêche extraordinaire de 153 gros poissons. Le disciple bien-aimé reconnaît alors que « c'est le Seigneur ! ». C'est la fin d'une première partie au cours de laquelle Jésus a suggéré que les poissons qu'ils ont pêchés en abondance figurent les hommes qu'ils devront prendre dorénavant en son absence et en son nom.
Suit une deuxième partie du récit où Jésus, resté sur le rivage, les attend pour un repas presqu'eucharistique et où il se fait reconnaître mais difficilement - « Aucun des disciples n'osaient lui demander qui es-tu ? Ils savaient que c'était le Seigneur » - : il leur donne du pain puis du poisson.
Suit un troisième volet dans ce récit, qui suit en cela exactement le récit lucanien de la pêche miraculeuse qui se situait, lui, au début du ministère de Jésus, un récit où l'apôtre Pierre est sollicité pour devenir le leader, le « Primus inter pares », celui qui va devoir présider aux destinées de l'Église, cette future institution dont la mission sera de pêcher le plus grand nombre d'hommes et de les ramener au rivage, signe de la fin des temps, du jugement dernier. Il est d'ailleurs instructif d'observer que le verbe utilisé pour 'tirer les filets' est le même que celui que l'évangéliste Jean utilise pour exprimer que la croix du Christ attire à lui tous les hommes vers son Père. Cette nouvelle mission de Pierre est précédée par cette épreuve : l'apôtre Pierre doit répondre à la question un peu humiliante de Jésus « M'aimes-tu vraiment ? » ; sous-entendu : m'aimes-tu toi à qui j'ai déjà pardonné trois reniements qui remontent à 10 jours ?
Comme tout est symbolique dans l'Évangile de Jean, intéressons-nous à ce détail curieux : lorsque Pierre apprend par le disciple bien-aimé que « c'est le Seigneur » qui est là tout près d'eux pour les tirer d'affaire, il passe un vêtement dont il se ceint (car il était nu, coutume des pêcheurs galiléens) et il plonge dans l'eau pour rejoindre le rabbi, alors que les autres rament pour ramener la barque. À la fin de notre évangile, Jésus lui dit : « Quand tu seras vieux, c'est un autre qui te ceindra, pour t'amener là où tu ne voudrais pas aller ». Ces quelques détails illustrent bien la figure de l'apôtre Pierre, son caractère fougueux, toujours prêt à défendre son maître et à vouloir se rapprocher de lui, sa bravoure, son plongeon dans le lac revêtu du vêtement des rachetés et sa fin aussi tragique que celle de son maître. N'oublions pas encore que c'est lui qui a mis le branle à la partie de pêche. « Je m'en vais à la pêche », ce qui est très appréciable dans l'atmosphère morose où ils étaient tous plongés depuis la mort violente de leur Rabbi. Certains de ces traits, nous les retrouvons chez notre pape actuel François et nous l'apprécions pour cela : son désir d'être proche de ses ouailles autant que de son Dieu, de baigner aussi dans toutes les couches sociales.
Puisque nous sommes dans les symboles, parlons encore de ce repas quasi eucharistique sur la rive du lac de Galilée : c'est Jésus qui en est l'initiateur, c'est lui qui invite. Le moment choisi est le filet entier, malgré le grand nombre de poisons (le chiffre 153 exprime une plénitude absolue), qui est ramené par les disciples et aussi par Simon-Pierre (qui était remonté dans la barque), qui est tiré sur le rivage ; bref le filet est entier grâce à l'effort conjoint de tous les disciples. Il n'y a pas que les Apôtres, puisqu'il y a en plus Nathanaël et deux autres de ses disciples. Il n'est pas impossible que l'un des deux soit nous-même. « Venez manger » leur dit-il. Un brasier est prêt avec du poisson dessus et du pain. Jésus fait ajouter du poisson qu'ils ont pêchés. « Jésus s'approche ; il prend le pain et le leur donne ; et de même pour leur poisson ». Si ce n'est pas l'eucharistie, l'atmosphère y est, celui d'un repas sacré, rituel. Ce qui suit est une sorte de passation de pouvoir : l'Apôtre Pierre reçoit tous les pouvoirs après une triple confession de foi : « Seigneur, toi tu sais tout ; tu sais bien que je t'aime », et chaque fois Jésus lui dit : « Sois le pasteur de mes brebis.
Il nous reste quelques instants pour essayer de nous réapproprier cet évangile riche en paroles et en actes. Quels enseignements pouvons-nous en tirer ? Ce que j'aime dans ce récit, c'est la force et la faiblesse de Pierre. C'est lui qui décide de partir à la pêche ; et il est suivi par tous les autres qui semblaient ne demander que cela. Il a brisé l'atmosphère lourde qui pesait chez tous les disciples de Jésus. Il n'était évident pour personne de tout recommencer. Pierre est celui qui a résolu de reprendre son travail au lendemain de jours qui furent catastrophiques. Il a été récompensé puisqu'il a rencontré celui qu'il croyait avoir perdu. Nous non plus ne nous laissons pas abattre par les événements douloureux que nous traversons, soyons courageux, audacieux, intrépides comme Pierre. « N'ayons pas peur » comme ne cesse de répéter le Ressuscité à tous ceux à qui il apparaît. Ensuite, c'est lui qui plonge dans l'eau du lac pour rejoindre le Christ ressuscité en qui il a pleinement confiance. J'apprécie cette plongée et aussi ce passage de la nudité qui est celle de notre pauvre nature humaine à l'humanité rachetée que l'Apocalypse clame à tue-tête : (Ap 15,13-14). Cette audace, cette traversée dans l'eau l'a véritablement lavée de tout péché ; et il peut confesser librement sa foi en Jésus ressuscité malgré ses anciennes tromperies (« Non, je ne connais pas cet homme » proclamé 3 fois avec accent galiléen qui le trahissait). Il reçoit de Jésus l'insigne honneur de présider le groupe des Apôtres lui aussi qui avait dit à Jésus prédisant sa passion : « Non, Seigneur, cela ne t'arrivera pas ». Il ne suffit pas en effet de plonger dans l'eau, aimer Jésus c'est plus encore : prendre soin des brebis qui lui sont confiées. Tout semble indiquer que Jésus veut que sa couardise, sa fougue et son péché aussi, se transforment en force spirituelle.
Le livre des Actes des Apôtres est rempli de ses témoignages de fidélité et de courage. Il faudrait relire tout le passage que nous avons entendu : « Quant à nous, nous sommes les témoins de tout cela (la crucifixion, la mort et la résurrection que Dieu a voulue pour notre conversion et le pardon der nos péchés) avec l'Esprit Saint, que Dieu a donné à ceux qui lui obéissent ». Ils se font fouetter ; on leur interdit de parler au nom de Jésus et ils sont relâchés. « Quant à eux, ils repartirent tout joyeux d'avoir été jugés dignes des humiliations pour le nom de Jésus ».
En conclusion, disons que tous les récits d'apparition nous invitent à devenir des témoins de la résurrection du Christ comme le furent jadis les vrais disciples de Jésus et les Apôtres qui ont sacrifié leur vie pour Jésus Christ. La religion chrétienne ne peut subsister, ne peut se perpétuer que grâce à ces témoignages vivants : parler au nom de Jésus, donner sa vie pour lui, avoir l'audace de Pierre de se jeter à l'eau et de confesser le nom de Jésus Christ par toute la terre.
Yves de Patoul
En ces jours-là, les Apôtres comparaissaient devant le Conseil suprême. Le grand prêtre les interrogea : « Nous vous avions formellement interdit d'enseigner au nom de celui-là, et voilà que vous remplissez Jérusalem de votre enseignement. Vous voulez donc faire retomber sur nous le sang de cet homme ! » En réponse, Pierre et les Apôtres déclarèrent : « Il faut obéir à Dieu plutôt qu'aux hommes. Le Dieu de nos pères a ressuscité Jésus, que vous aviez exécuté en le suspendant au bois du supplice. C'est lui que Dieu, par sa main droite, a élevé, en faisant de lui le Prince et le Sauveur, pour accorder à Israël la conversion et le pardon des péchés. Quant à nous, nous sommes les témoins de tout cela, avec l'Esprit Saint, que Dieu a donné à ceux qui lui obéissent. »
Après avoir fait fouetter les Apôtres, ils leur interdirent de parler au nom de Jésus, puis ils les relâchèrent. Quant à eux, quittant le Conseil suprême, ils repartaient tout joyeux d'avoir été jugés dignes de subir des humiliations pour le nom de Jésus.
- Parole du Seigneur.
Ac 5, 27b-32.40b-41
Quand j'ai crié vers toi, Seigneur, mon Dieu, tu m'as guéri ; Seigneur, tu m'as fait remonter de l'abîme et revivre quand je descendais à la fosse.
Fêtez le Seigneur, vous, ses fidèles, rendez grâce en rappelant son nom très saint. Sa colère ne dure qu'un instant, sa bonté, toute la vie.
Avec le soir, viennent les larmes, mais au matin, les cris de joie ! Tu as changé mon deuil en une danse, mes habits funèbres en parure de joie !
Que mon c?ur ne se taise pas, qu'il soit en fête pour toi ; et que sans fin, Seigneur, mon Dieu, je te rende grâce !
Ps 29 (30), 3-4, 5-6ab, 6cd.12, 13
Moi, Jean, j'ai vu : et j'entendis la voix d'une multitude d'anges qui entouraient le Trône, les Vivants et les Anciens ; ils étaient des myriades de myriades, par milliers de milliers. Ils disaient d'une voix forte : « Il est digne, l'Agneau immolé, de recevoir puissance et richesse, sagesse et force, honneur, gloire et louange. »
Toute créature dans le ciel et sur la terre, sous la terre et sur la mer, et tous les êtres qui s'y trouvent, je les entendis proclamer : « À celui qui siège sur le Trône, et à l'Agneau, la louange et l'honneur, la gloire et la souveraineté pour les siècles des siècles. » Et les quatre Vivants disaient : « Amen ! » ; et les Anciens, se jetant devant le Trône, se prosternèrent.
- Parole du Seigneur.
Ap 5, 11-14
En ce temps-là, Jésus se manifesta encore aux disciples sur le bord de la mer de Tibériade, et voici comment. Il y avait là, ensemble, Simon-Pierre, avec Thomas, appelé Didyme (c'est-à-dire Jumeau), Nathanaël, de Cana de Galilée, les fils de Zébédée, et deux autres de ses disciples. Simon-Pierre leur dit : « Je m'en vais à la pêche. » Ils lui répondent : « Nous aussi, nous allons avec toi. » Ils partirent et montèrent dans la barque ; or, cette nuit-là, ils ne prirent rien. Au lever du jour, Jésus se tenait sur le rivage, mais les disciples ne savaient pas que c'était lui. Jésus leur dit : « Les enfants, auriez-vous quelque chose à manger ? » Ils lui répondirent : « Non. » Il leur dit : « Jetez le filet à droite de la barque, et vous trouverez. » Ils jetèrent donc le filet, et cette fois ils n'arrivaient pas à le tirer, tellement il y avait de poissons. Alors, le disciple que Jésus aimait dit à Pierre : « C'est le Seigneur ! » Quand Simon-Pierre entendit que c'était le Seigneur, il passa un vêtement, car il n'avait rien sur lui, et il se jeta à l'eau. Les autres disciples arrivèrent en barque, traînant le filet plein de poissons ; la terre n'était qu'à une centaine de mètres. Une fois descendus à terre, ils aperçoivent, disposé là, un feu de braise avec du poisson posé dessus, et du pain. Jésus leur dit : « Apportez donc de ces poissons que vous venez de prendre. » Simon-Pierre remonta et tira jusqu'à terre le filet plein de gros poissons : il y en avait cent cinquante-trois. Et, malgré cette quantité, le filet ne s'était pas déchiré. Jésus leur dit alors : « Venez manger. » Aucun des disciples n'osait lui demander : « Qui es-tu ? » Ils savaient que c'était le Seigneur. Jésus s'approche ; il prend le pain et le leur donne ; et de même pour le poisson.
C'était la troisième fois que Jésus ressuscité d'entre les morts se manifestait à ses disciples.
- Acclamons la Parole de Dieu.
Jn 21, 1-14