Une homélie de fr. Martin Neyt
Introduction
Bienvenue à vous, mes sœurs, mes frères, qui venez partager avec la communauté de Clerlande cette Eucharistie. Moines et laïcs nous sommes ici pour servir et protéger ce lieu privilégié, habité par l'Esprit de Dieu. Sa présence nous permettra de mener à bien ce qu'il attend de nous.
Les textes de ce jour sont une invitation à rendre grâce pour ce que Dieu réalise en chacun et chacune d'entre nous. Nous n'en sommes pas toujours conscients, nous traversons parfois de lourdes épreuves. Que Dieu conduise nos cœurs vers la reconnaissance de sa présence et que finalement nous soyons habités de gratitude. Les textes nous surprennent.
C'est le général syrien, lépreux, qui cherche à tout prix à remercier le prophète Elisée qui l'a guéri de son mal ; c'est Jésus qui guérit dix lépreux en chemin ; c'est saint Paul qui nous rappelle que si nous supportons les épreuves de la vie, nous obtiendrons le salut qui est dans le Christ Jésus, à l'image du bon larron à qui Jésus déclare : « Aujourd'hui tu seras avec moi au Paradis ». Que notre vie soit pleine d'action de grâce et ensemble, malgré notre faiblesse, tournons-nous vers Celui qui attire tout à Lui et guérit nos blessures.
Mes sœurs, mes frères.
La Parole de Dieu est entourée d'une haie ; elle protège la présence divine ; elle porte en elle une énergie nouvelle ; elle est toujours actuelle. Sans cesse elle peut se faire entendre et nous renouveler. L'Evangile des 10 lépreux nous interpelle à la manière de St Bernard qui déclarait à ses frères : « Heureux qui se considère comme un étranger qui pour les moindres bienfaits reçus rend grâce largement ».
Ce récit ouvre, chez St Luc, la dernière étape de Jésus qui monte à Jérusalem. L'étranger reconnaissant, un Samaritain, est une icône ouvrant la venue du Royaume de Dieu. Dans l'Evangile St Jean, le dialogue de Jésus avec la Samaritaine, considérée comme une étrangère ouvre également la porte de l'avenir. Jésus lui annonce (Jn 4, 23) : « L'heure vient et maintenant elle est là- où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité ».
Nous vivons de nos jours dans les gémissements de l'attente, à l'image des 10 lépreux s'arrêtant à distance et élevant leurs voix pour lui dire : « Jésus, Maître, aie pitié de nous ». Et St Paul d'ajouter : « Chacun de nous, nous gémissons intérieurement dans les douleurs de la Création et nous possédons les prémisses de l'Esprit qui vient en aide à notre faiblesse et il nous apprend à prier comme il faut. L'Esprit lui-même intercède pour nous en gémissements ineffables ». Les temps présents sont sans proportion avec la gloire qui doit être révélée en nous
Un troisième épisode se déroule en Samarie, terre des étrangers. (Act. 8,1-25) où Philippe proclame le Christ et les foules unanimes s'attachent à lui. Philippe y proclame la bonne nouvelle du Royaume de Dieu. Emerveillés, ils reçoivent le baptême, hommes et femmes. A ces nouvelles, Pierre et Jean vont en Samarie et prient pour les Samaritains afin qu'ils reçoivent l'Esprit Saint. Trois scènes bibliques : le récit de la Samaritaine, l'étranger lépreux qui rend gloire à Dieu et la foule étrangère qui s'émerveille et se convertit.
Le chemin qu'annonce Jésus, à travers l'étranger, le lépreux qui rend grâce, témoigne de sa propre mission : appelé à traverser la souffrance et la mort, il donne sa vie par amour, déjà signe de résurrection. C'est l'image de l'homme qui sans poser de questions chemine dans les profondeurs mystérieuses de Dieu. C'est en cheminant avec les disciples d'Emmaüs que Jésus conduit les siens dans sa propre maison.
C'est de l'inconnu et comme inconnu que le Seigneur se fait reconnaître dans tant d'êtres méconnus, malades, en prison, dépourvus ou ignorés dans une région au-delà de nos frontières personnelles ou communautaires. Tout chrétien est tenté de devenir un inquisiteur, tel celui de Dostoïevski et d'éliminer l'étranger qui vient.
Dieu reste l'inconnu, celui que nous ne connaissons pas alors que nous croyons en lui. Il demeure l'étranger pour nous, dans l'épaisseur de l'expérience humaine et de nos relations. Un autre mystère se cache derrière les 10 lépreux. En hébreu, le chiffre 10 équivaut à la lettre Yod, correspondant au mot secret et sacré : Yahwé. C'est la présence divine, signe de plénitude et d'illumination qui apparaît dans les 10 séphirots et les 10 commandements.
Comme les 10 lépreux, Jésus attend et devient un mendiant d'amour à la porte de nos cœurs : « Voici que je me tiens à la porte et je frappe, si quelqu'un entend ma voix et m'ouvre la porte, j'entrerai chez lui et souperai avec lui » (Ap. 3, 20).
Dans son épître à Timothée, Paul résume ce même mouvement évangélique. Comme les lépreux, comme le Christ lui-même, il déclare : « Je souffre jusqu'à être enchaîné comme un malfaiteur, mais la parole de Dieu n'est pas enchaînée. Si nous supportons l'épreuve, avec lui nous règnerons. J'ai achevé ma course » annonce-t-il dans sa dernière épître (Tim. 4, 7). Lui aussi, à la suite de Jésus, marche vers sa mort.
Avec le lépreux étranger, rendons grâce en toute circonstance et souvenons-nous de Jésus-Christ, ressuscité d'entre les morts dont l'Esprit ne cesse de marcher avec nous et en nous, en des gémissements ineffables. Oui, Heureux qui se considère comme un étranger qui pour les moindres bienfaits reçus rend grâce largement ».
En ces jours-là, le général syrien Naaman, qui était lépreux, descendit jusqu'au Jourdain et s'y plongea sept fois, pour obéir à la parole d'Élisée, l'homme de Dieu ; alors sa chair redevint semblable à celle d'un petit enfant : il était purifié ! Il retourna chez l'homme de Dieu avec toute son escorte ; il entra, se présenta devant lui et déclara : « Désormais, je le sais : il n'y a pas d'autre Dieu, sur toute la terre, que celui d'Israël ! Je t'en prie, accepte un présent de ton serviteur. » Mais Élisée répondit : « Par la vie du Seigneur que je sers, je n'accepterai rien. » Naaman le pressa d'accepter, mais il refusa. Naaman dit alors : « Puisque c'est ainsi, permets que ton serviteur emporte de la terre de ce pays autant que deux mulets peuvent en transporter, car je ne veux plus offrir ni holocauste ni sacrifice à d'autres dieux qu'au Seigneur Dieu d'Israël. »
- Parole du Seigneur.
2 R 5, 14-17
Chantez au Seigneur un chant nouveau, car il a fait des merveilles ; par son bras très saint, par sa main puissante, il s'est assuré la victoire.
Le Seigneur a fait connaître sa victoire et révélé sa justice aux nations ; il s'est rappelé sa fidélité, son amour, en faveur de la maison d'Israël.
La terre tout entière a vu la victoire de notre Dieu. Acclamez le Seigneur, terre entière, sonnez, chantez, jouez !
Ps 97 (98), 1, 2-3ab,3cd-4
Bien-aimé, souviens-toi de Jésus Christ, ressuscité d'entre les morts, le descendant de David : voilà mon évangile. C'est pour lui que j'endure la souffrance, jusqu'à être enchaîné comme un malfaiteur. Mais on n'enchaîne pas la parole de Dieu ! C'est pourquoi je supporte tout pour ceux que Dieu a choisis, afin qu'ils obtiennent, eux aussi, le salut qui est dans le Christ Jésus, avec la gloire éternelle.
Voici une parole digne de foi : Si nous sommes morts avec lui, avec lui nous vivrons. Si nous supportons l'épreuve, avec lui nous régnerons. Si nous le rejetons, lui aussi nous rejettera. Si nous manquons de foi, lui reste fidèle à sa parole, car il ne peut se rejeter lui-même.
- Parole du Seigneur.
2 Tm 2, 8-13
En ce temps-là, Jésus, marchant vers Jérusalem, traversait la région située entre la Samarie et la Galilée. Comme il entrait dans un village, dix lépreux vinrent à sa rencontre. Ils s'arrêtèrent à distance et lui crièrent : « Jésus, maître, prends pitié de nous. » À cette vue, Jésus leur dit : « Allez vous montrer aux prêtres. » En cours de route, ils furent purifiés.
L'un d'eux, voyant qu'il était guéri, revint sur ses pas, en glorifiant Dieu à pleine voix. Il se jeta face contre terre aux pieds de Jésus en lui rendant grâce. Or, c'était un Samaritain. Alors Jésus prit la parole en disant : « Tous les dix n'ont-ils pas été purifiés ? Les neuf autres, où sont-ils ? Il ne s'est trouvé parmi eux que cet étranger pour revenir sur ses pas et rendre gloire à Dieu ! » Jésus lui dit : « Relève-toi et va : ta foi t'a sauvé. »
- Acclamons la Parole de Dieu.
Lc 17, 11-19