Homélie du 22 janvier 2023

 Heureux les pauvres de cœur 

4ème dimanche du Temps Ordinaire - Année A

Une homélie de fr. Pierre de Béthune

Homélie :
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DISCIPLES MISSIONNAIRES

À partir de ce dimanche, et jusqu'au mois de novembre, nous allons écouter, de dimanche en dimanche, l'intégralité, ou presque, de l'évangile selon saint Matthieu. Nous avons déjà entendu les récits de l'enfance, et, le premier dimanche du Carême, on entendra l'épisode de la Tentation au désert, mais aujourd'hui, au chapitre quatre, commence vraiment la description de la mission, de la vie publique du Seigneur Jésus.

Or, quand il commence sa mission, la première chose que nous le voyons faire, c'est de choisir des collaborateurs. Depuis son Baptême grâce auquel il a pris conscience de sa mission, envoyé par le Père, consacré par l'Esprit, il sait ce qu'il doit faire. Il retourne en Galilée, la 'Galilée des Nations', à la frontière entre le monde juif et le monde païen. Et il proclame : «  Convertissez-vous ! Le Règne de Dieu est tout proche  ». Mais il n'en dit pas plus, à ce moment ; il commence par appeler des disciples : «  Venez à ma suite !  ».

Il ne met pas son honneur à tout faire, tout seul, comme un self made man. Il demande de l'aide, dès le début. Il a quitté sa maison de Nazareth, et désormais, il dépend des autres pour sa subsistance et son logement. Il habite chez Simon ou d'autres qui veulent bien l'héberger. Bien sûr, il sait bien ce qu'il veut, toujours en lien avec son Père des Cieux, mais pour la façon de procéder, il compte sur les autres.

Nous avons d'ailleurs déjà célébré cette Révélation à Noël, quand il est venu parmi nous dans le plus grand dénuement et la totale dépendance de ses parents. Comme le dit saint Jean à sa façon, dans son évangile, « Le Verbe s'est fait chair  » mais il n'a pas seulement «  pris chair  », il a pris sa part, il a pris sa place dans notre société, en lien avec tous ses frères en humanité. C'est pourquoi dès le début de sa mission, il demande de l'aide. Oui, «  Dieu a besoin des hommes  ». C'est la première révélation de l'évangile.

Notons ensuite que si le Christ appelle des disciples, c'est parce qu'il a besoin qu'ils l'accompagnent, qu'il «  restent avec lui  », comme le précise l'évangéliste Marc. Il faut commencer par 'rester' avec lui, pour recevoir sa façon d'être avec nous. Rester, c'est-à-dire se laisser peu à peu influencer, changer, par sa seule présence, pour entrer dans son projet. Et aujourd'hui encore, nous découvrons l'importance de prendre du temps pour mieux connaitre le Seigneur Jésus, dans les évangiles, le temps nécessaire pour nous laisser imprégner par cette méditation. On a vite compris le texte, à une première lecture, on croit avoir compris. Mais, en relisant, en méditant, on découvre d'autres implications, et surtout on reçoit l'appel que ce texte comporte. Car l'évangile tout entier est un appel. Il n'est pas seulement un récit, ni une injonction et des commandements ; il est toujours un appel à un réponse libre, personnelle. Oui, Jésus appelle ses collaborateurs, comme on le voit dans l'évangile d'aujourd'hui : «  Venez à ma suite !  ».

Il est en tous cas évident que les disciples n'ont pas choisi Jésus ; c'est lui qui les a choisis.

Ici encore ce passage de l'évangile nous invite à réfléchir sur notre façon de faire et de choisir aujourd'hui. Certes, il est important de savoir ce qu'on veut dans la vie quotidienne ; il faut être capable de choisir par soi-même, sans se laisser impressionner par la publicité, la mode. Mais il est encore plus important de se situer par rapport aux enjeux de notre milieu, de notre société, les enjeux mondiaux qui nous dépassent, précisément pour y découvrir un appel, venu d'ailleurs, y compris pour le domaine spirituel.

Je constate en effet une tendance actuelle à choisir en ce domaine ce qui nous convient. J'ai lu récemment un petit texte qui vantait le bouddhisme comme «  la religion qui permettait notre plus grand épanouissement personnel  ». En effet, la démarche consumériste nous influence même en ce domaine. On est aussi tenté de choisir, en notre cas, dans la tradition chrétienne ce qui semble vraiment important pour nous... Mais le récit entendu aujourd'hui de la vocation des premiers apôtres nous rappelle l'importance de l'obéissance à un appel venu de l'extérieur. Je sais l'obéissance n'est pas très 'tendance', actuellement. Et cependant, cette démarche est très centrale. L'évangile nous le rappelle constamment. Jésus dit : «  Suivez-moi !  ». L'humble 'suivance' est importante. Elle n'est pas la seule démarche importante, mais elle est centrale.

Tout au long de cette année, en entendant presque tout l'évangile de Matthieu, nous verrons comment les disciples ont suivi Jésus sur les chemins de Galilée, et jusqu'à Jérusalem. Mais nous verrons aussi comment ceux qu'il appelés à le suivre, il les a ensuite envoyés pour le précéder. S'il les a appelés à l'accompagner, ce n'est pas pour les garder indéfiniment avec lui. Vient le moment où il les envoie, pour continuer et démultiplier sa mission. Dès le chapitre dix, nous le voyons déjà envoyer ses apôtres devant lui. Et au dernier chapitre de l'évangile il dit encore : «  Allez donc : de toutes les nations faites des disciples...  »

Mes frères, mes sœurs, c'est là où nous en sommes. Comme notre pape François le dit volontiers : nous ne sommes pas que des disciples qui ont entendu l'appel à le suivre ; nous sommes toujours des disciples envoyés, des 'disciples-missionnaires'. Il n'est pas possible d'être seulement disciples qui écoutent, suivent et admirent, il faut encore, aller de l'avant en vivant et en rayonnant l'évangile, sur les chemins de notre vie. Tout au long de notre vie, nous sommes appelés à revivre ces deux démarches décrites dans l'évangile : rester avec Jésus, tout le temps qu'il faut, et puis aller devant lui et, comme dit encore le pape, «  risquer le témoignage  ».

On en reparlera tout au long de l'année. Mais déjà, pendant cette messe, nous vivons tout ce chemin. Nous avons rejoint dans cette chapelle tous ceux qui se sont rassemblés, comme jadis en Galilée, pour écouter le Seigneur, et lui demander de les guérir. Nous nous sommes assis pour méditer au sujet de ce qu'il dit et pour le prier. Puis nous allons partager le pain, ensemble, avec lui. Enfin nous allons accueillir la mission qu'il nous confie, quand le célébrant dira, en finale, comme le Père Emmanuel : «  Allez tous dans la paix et la joie du Christ !  »

 

Je laisserai chez toi un peuple pauvre et petit

Cherchez le Seigneur, vous tous, les humbles du pays, qui accomplissez sa loi. Cherchez la justice, cherchez l'humilité : peut-être serez-vous à l'abri au jour de la colère du Seigneur.

Je laisserai chez toi un peuple pauvre et petit ; il prendra pour abri le nom du Seigneur. Ce reste d'Israël ne commettra plus d'injustice ; ils ne diront plus de mensonge ; dans leur bouche, plus de langage trompeur. Mais ils pourront paître et se reposer, nul ne viendra les effrayer.

- Parole du Seigneur.

So 2, 3 ; 3, 12-13

Le Seigneur fait justice aux opprimés ; aux affamés, il donne le pain, le Seigneur délie les enchaînés.

Le Seigneur ouvre les yeux des aveugles, le Seigneur redresse les accablés, le Seigneur aime les justes.

Le Seigneur protège l'étranger, il soutient la veuve et l'orphelin, le Seigneur est ton Dieu pour toujours.

Ps 145 (146), 7, 8, 9ab.10b

Ce qu'il y a de faible dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi

Frères, vous qui avez été appelés par Dieu, regardez bien : parmi vous, il n'y a pas beaucoup de sages aux yeux des hommes, ni de gens puissants ou de haute naissance. Au contraire, ce qu'il y a de fou dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi, pour couvrir de confusion les sages ; ce qu'il y a de faible dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi, pour couvrir de confusion ce qui est fort ; ce qui est d'origine modeste, méprisé dans le monde, ce qui n'est pas, voilà ce que Dieu a choisi, pour réduire à rien ce qui est ; ainsi aucun être de chair ne pourra s'enorgueillir devant Dieu. C'est grâce à Dieu, en effet, que vous êtes dans le Christ Jésus, lui qui est devenu pour nous sagesse venant de Dieu, justice, sanctification, rédemption. Ainsi, comme il est écrit : Celui qui veut être fier, qu'il mette sa fierté dans le Seigneur.

- Parole du Seigneur.

1 Co 1, 26-31

Réjouissez-vous, soyez dans l'allégresse, car votre récompense est grande dans les cieux !

En ce temps-là, voyant les foules, Jésus gravit la montagne. Il s'assit, et ses disciples s'approchèrent de lui. Alors, ouvrant la bouche, il les enseignait. Il disait : « Heureux les pauvres de c?ur, car le royaume des Cieux est à eux. Heureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés. Heureux les doux, car ils recevront la terre en héritage. Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés. Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde. Heureux les c?urs purs, car ils verront Dieu. Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu. Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, car le royaume des Cieux est à eux. Heureux êtes-vous si l'on vous insulte, si l'on vous persécute et si l'on dit faussement toute sorte de mal contre vous, à cause de moi. Réjouissez-vous, soyez dans l'allégresse, car votre récompense est grande dans les cieux ! »

- Acclamons la Parole de Dieu.

Mt 5, 1-12a