Homélie du 12 fevrier 2023

 Il a été dit aux Anciens. Eh bien ! moi, je vous dis 

6ème dimanche du Temps Ordinaire - Année A

Une homélie de fr. Pierre de Béthune

Homélie :
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Nous sommes ici au cœur du 'Sermon sur la Montagne', au cœur de l'évangile. Saint Matthieu a rassemblé un grand nombre d'enseignements de Jésus en un discours programme qui s'ouvre par la proclamation des Béatitudes. Ensuite, pour bien se faire comprendre, Jésus se situe par rapport à la Loi de Moïse que tous connaissent. Et il précise qu'il n'est pas venu pour abolir cette Loi, mais pour l'accomplir. Cela est clair et peut être bien compris par tous ses auditeurs. Mais il veut surtout faire comprendre ce qu'est son Évangile, par rapport à la Loi. Et là, dans la suite de son sermon, il précise que, s'il faut accomplir la Loi,  on ne peut jamais accomplir l'Évangile. C'est ce que la partie du Sermon sur la Montagne que nous avons entendue aujourd'hui met bien en relief, quand Jésus précise, «  mais moi, je vous dis si votre justice ne surpasse pas....., et il donne des exemples exorbitants  ».

Mes frères, mes sœurs, cela est tout à fait essentiel : nous sommes invités à «  nous convertir et à croire à l'évangile  », mais nous ne pouvons jamais  accomplir l'évangile. Je vais essayer de m'expliquer. Les lois stipulent des exigences précises et indiquent les limites à ne pas dépasser ; au contraire, l'évangile est un appel, une ouverture infinie. Les lois précisent quels sont les droits, les devoirs qu'il faut remplir ; mais l'évangile invite à dépasser cette obéissance exacte, pour découvrir la  liberté spirituelle.

Quand j'étais étudiant en théologie, nous avions un cours de morale, de théologie morale, basé sur un livre célèbre intitulé 'La Loi du Christ' Mais le Christ n'est pas venu nous apporter une loi ! Et l'évangile n'est pas davantage une morale ! D'ailleurs, à l'époque du Christ, Il y avait déjà de bonnes lois, outre celle de Moïse, il y avait celle d'Hamourabi, de Solon, tant d'autres. Et pour la morale, il y avait déjà aussi tout ce qu'il faut ! Mais le Christ n'est pas venu pour nous enseigner la morale, ni pour renouveler la Loi. Il nous a révélé la Bonne Nouvelle, une béatitude qui nous est offerte et un message libérateur, - que certains pressentaient déjà, mais n'osaient pas réaliser plus complètement.

En introduisant cet enseignement de Jésus, Matthieu écrit qu'il est monté sur une montagne, pour suggérer un parallèle avec Moïse. Seulement Moïse était monté seul sur le Sinaï, - et gare à ceux qui oseraient monter avec lui, homme ou bête : il faudrait les lapider. Au contraire, quand Jésus délivre son 'sermon sur la montagne', il invite ses disciples à monter avec lui. Ce n'est plus un commandement qui tombe d'en haut, mais une invitation à monter plus haut, avec lui, pour «  devenir parfaits comme le Père céleste est parfait  ».

Mais revenons au texte de ce jour. Il est tout entier un appel à  dépasser, et non seulement à accomplir la Loi. Jésus passe en revue les premiers des dix commandements, pour indiquer comment les dépasser. Pour cela il utilise ici un langage excessif, comme il le fait souvent : souvenez-vous : il demande de pardonner 70 x 7 x, de passer par une porte étroite comme par le chas d'une l'aiguille, d'arracher l'œil qui nous scandalise, de couper un membre qui entraine la chute et de le jeter loin de nous, de précipiter dans la mer avec une meule au cou celui qui scandalise un petit.

Et, comme nous sommes habiles à éviter le tranchant de l'Évangile, nous prenons prétexte de ces expression excessives pour déclarer qu'elles ne nous concernent pas, puisque ce sont des 'hyperboles sémitiques'. Du coup nous sommes dispensés de nous en préoccuper. Or Jésus veut seulement nous dire par là que nous ne serons jamais quittes, parce que l'Évangile nous dépasse toujours et nous entraine toujours plus loin. Il n'offre pas de balises sur le chemin, mais seulement une perspective au bout de ce chemin. La vie qu'il propose est un pèlerinage : la seule indication donnée est son aboutissement. Et il compte sur notre bon sens pour baliser le parcours

Pour illustrer cela, plutôt que de nous fixer sur les hyperboles, regardons de plus près une recommandation de l'évangile d'aujourd'hui qui peut, au premier abord, sembler assez élémentaire : «  Lorsque tu vas présenter ton offrande à l'autel, si là tu te souviens... - nous connaissons bien cette recommandation, et nous continuons à la citer par cœur : 'si là tu te souviens que tu as quelque chose contre ton frère', va... - mais non ! le texte dit : «  si là tu te souviens que ton frère a quelque chose contre toi, laisse là ton offrande...  » En effet, nous lisons assez spontanément l'Évangile comme un code de morale individuelle : je dois me repentir de mes torts. Mais Jésus nous parle ici des torts de ton frère ; il dit ici : «  Quand vous participez à une liturgie, ce n'est pas votre pureté personnelle qui importe, ni votre capacité de pardon, mais le climat de charité de votre assemblée en prière, le pardon mutuel qui y règne, ou pas  ». Or cela est beaucoup plus difficile, parce que ça ne dépend pas uniquement de moi ! Je puis décider d'aller me réconcilier avec mon frère, mais que mon frère veuille se réconcilier avec moi, cela n'est pas en mon pouvoir immédiat. Il faut encore autre chose. Il nous faut contribuer, ensemble, à créer ce climat où l'on aime aimer, et où l'on pardonne spontanément.

Cet exemple fait en tout cas bien comprendre que, pour Jésus, il ne s'agit pas tellement de réaliser certains préceptes, pour être en règle, et pouvoir, en ce cas, participer à la liturgie. Non ! nous ne serons jamais en règle. Nous ne pouvons jamais avoir bonne conscience, parce que, devant Dieu, nous restons perpétuellement en dette. Et ce n'est pas triste ! Oui, les dettes financières peuvent être des cauchemars. Mais en amour, les dettes sont le meilleur stimulant pour la vraie vie ! Oui, devant nos frères et nos sœurs, comme devant Dieu, nous restons perpétuellement en dette. Saint Paul dit quelque part : «  N'ayez de dette envers personne, sinon la dette de l'amour  ».

J'aime bien citer ici un passage du livre de la Sagesse de Ben Sirac qui exprime bien cet appel au dépassement. Il parle du Créateur et conclut : «  Exaltez le Seigneur par vos louanges, selon votre pouvoir, car il vous dépasse. Pour l'exalter, déployer vos forces, ne vous lassez pas, car (de toute façon) vous n'en finirez pas !  » (Sir 43, 30) Ce qui est dit ici de la louange, Jésus l'étend à toute la vie. Il nous demande de commencer sans tarder à nous convertir, parce que nous n'arriverons de toute façon jamais à accomplir entièrement le projet de Dieu sur nous.

Je conclue. Les exigences de l'évangile sont précises. Elles seront détaillées plus loin dans cet évangile de Matthieu, quand il décrira au chapitre 25 les œuvres de miséricorde. Mais, dans le chapitre lu aujourd'hui, Jésus commence par nous donner la façon de nous y engager, parce qu'elle est déterminante, de façon vraiment libre. Il ne s'agit pas d'accomplir un devoir imposé de l'extérieur, comme un fardeau posé sur nos épaules. Non ! Il s'agit de libérer notre cœur, pour tout faire comme naturellement, selon notre vraie nature. Car nous avons été créés «  à l'image et la ressemblance  » de Dieu. C'est pourquoi nous sommes capables de beaucoup plus que nous pouvons imaginer. C'est pourquoi aussi Jésus n'hésite pas à nous dire : «  Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait !  »

 

Il n'a commandé à personne d'être impie

Si tu le veux, tu peux observer les commandements, il dépend de ton choix de rester fidèle. Le Seigneur a mis devant toi l'eau et le feu : étends la main vers ce que tu préfères. La vie et la mort sont proposées aux hommes, l'une ou l'autre leur est donnée selon leur choix. Car la sagesse du Seigneur est grande, fort est son pouvoir, et il voit tout. Ses regards sont tournés vers ceux qui le craignent, il connaît toutes les actions des hommes. Il n'a commandé à personne d'être impie, il n'a donné à personne la permission de pécher.

- Parole du Seigneur.

Si 15, 15-20

Heureux les hommes intègres dans leurs voies qui marchent suivant la loi du Seigneur ! Heureux ceux qui gardent ses exigences, ils le cherchent de tout c?ur !

Toi, tu promulgues des préceptes à observer entièrement. Puissent mes voies s'affermir à observer tes commandements !

Sois bon pour ton serviteur, et je vivrai, j'observerai ta parole. Ouvre mes yeux, que je contemple les merveilles de ta loi.

Enseigne-moi, Seigneur, le chemin de tes ordres ; à les garder, j'aurai ma récompense. Montre-moi comment garder ta loi, que je l'observe de tout c?ur.

Ps 118 (119), 1-2, 4-5, 17-18, 33-34

La sagesse que Dieu avait prévue dès avant les siècles pour nous donner la gloire

Frères, c'est bien de sagesse que nous parlons devant ceux qui sont adultes dans la foi, mais ce n'est pas la sagesse de ce monde, la sagesse de ceux qui dirigent ce monde et qui vont à leur destruction. Au contraire, ce dont nous parlons, c'est de la sagesse du mystère de Dieu, sagesse tenue cachée, établie par lui dès avant les siècles, pour nous donner la gloire. Aucun de ceux qui dirigent ce monde ne l'a connue, car, s'ils l'avaient connue, ils n'auraient jamais crucifié le Seigneur de gloire. Mais ce que nous proclamons, c'est, comme dit l'Écriture : ce que l'?il n'a pas vu, ce que l'oreille n'a pas entendu, ce qui n'est pas venu à l'esprit de l'homme, ce que Dieu a préparé pour ceux dont il est aimé. Et c'est à nous que Dieu, par l'Esprit, en a fait la révélation. Car l'Esprit scrute le fond de toutes choses, même les profondeurs de Dieu.

- Parole du Seigneur.

1 Co 2, 6-10

Il a été dit aux Anciens. Eh bien ! moi, je vous dis

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Je vous le dis : Si votre justice ne surpasse pas celle des scribes et des pharisiens, vous n'entrerez pas dans le royaume des Cieux. Vous avez appris qu'il a été dit aux anciens : Tu ne commettras pas de meurtre, et si quelqu'un commet un meurtre, il devra passer en jugement. Eh bien ! moi, je vous dis : Tout homme qui se met en colère contre son frère devra passer en jugement.

Vous avez appris qu'il a été dit : Tu ne commettras pas d'adultère. Eh bien ! moi, je vous dis : Tout homme qui regarde une femme avec convoitise a déjà commis l'adultère avec elle dans son c?ur.

Vous avez encore appris qu'il a été dit aux anciens : Tu ne manqueras pas à tes serments, mais tu t'acquitteras de tes serments envers le Seigneur. Eh bien ! moi, je vous dis de ne pas jurer du tout. Que votre parole soit ?oui', si c'est ?oui', ?non', si c'est ?non'. Ce qui est en plus vient du Mauvais. »

- Acclamons la Parole de Dieu.

Mt 5, 20-22a.27-28.33-34a.37