Homélie du 16 avril 2023

 Huit jours plus tard, Jésus vient 

2ème Dimanche de Pâques ou de la Divine Miséricorde - Année A

Une homélie de fr. Martin Neyt

Homélie :
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Introduction

En ce jour où nous célébrons l'octave de Pâques, les Orthodoxes célèbrent la fête de Pâques. Ils suivent ainsi le calendrier julien, mis en place par Jules César en 46 avant notre ère. Par contre l'Eglise catholique a suivi la réforme grégorienne mise en place par le Pape Grégoire XIII.

Accueillons ce grand mystère pascal que nous clôturons cet octave (dimanche in albis), tandis que les Orthodoxes célèbrent Pâques aujourd'hui

«  O Christ qui tiens en mains les confins de la terre.
Tu as daigné être enfermé au tombeau, afin de racheter l'homme après sa chute dans l'Enfer.
Rends-nous la vie et donne-nous l'immortalité.
Toi, le Dieu immortel 
».

Que la bénédiction de l'eau nous rappelle notre baptême, notre filiation divine et ravive en nous ta présence et ta miséricorde. Associons à notre prière le P. Pierre, notre prieur, qui vient d'être opéré du genoux et qui nous reviendra ces jours-ci

Homélie

La première scène se situe au soir du dimanche de Pâques en un lieu où les portes sont fermées par peur des Juifs. Tout commence par une surprenante présence mystérieuse. Aux yeux de chair des disciples inquiets, l'apparition de Jésus est d'une autre nature, elle n'est pas liée à l'espace et au temps. Déjà monté vers son Père, il revient transformé par la puissance de l'Esprit Saint.

C'est habité d'un Souffle nouveau que Jésus revientpour envoyer les disciples en mission.Pareil au Souffle de la Pentecôte,pareil au Souffle créateur de Dieu qui donne la vie aux premiers humains,pareil au Prologue décrit par saint Jean : «  Et le Verbe s'est fait chair et il a habité parmi nous et nous avons vu sa gloire, gloire du Fils unique plein de grâce et de vérité (Jn1, 14)  »,Jésus souffle sur ceux qui l'ont accompagné, qu'il a choisis et aimés, avec l'exigence d'être engendrés par l'eau et l'Esprit (Jn 3, 5-8). Oui, le vent souffle où il veut et tu entends sa voix, mais tu ne sais ni d'où il ne vient ni où il va.

Ce souffle pardonne les péché et fait des Apôtres des êtres sans peur ; il donne vigueur à l'Eglise naissante à la Pentecôte et aux premières communautés chrétiennes. Celui qui était absent et qui n'a pas reçu ce souffle divin, en l'occurrence Thomas, reste perplexe devant le récit incroyable des Apôtres. Homme de doutes et non de certitudes, si proche de nos hésitations, il a besoin d'une preuve empirique.

Toutefois, une soif intérieure subsiste au plus profond de lui-même. Elle se mêle au doute avec plus de force dramatique.Thomas demande à toucher les plaies de Jésus de ses doigts et mettre sa main dans son côté. Il ne touchera pas le corps du Ressuscité contrairement à la mise en scène si vivante et excessive du Caravage (1603). Le récit est lumineux.

Jésus réapparaît huit jours plus tard. A nouveau, il répète : «  La paix soit avec vous  ». Avant sa résurrection, il leur avait déjà annoncé la venue de l'Esprit saint et avait déclaré : «  Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix. Que notre cœur cesse de se troubler et de craindre  » (Jn 14, 27). Il avait même ajouté : «  Je m'en vais chez mon Père et je viens à vous  » et d'inviter les siens à croire en lui  » et de répéter encore : «  qu'en moi vous ayez la paix, car le Père est avec moi  » (Jn16,33). Ces paroles de paix sont exprimées deux fois avant sa Pâques. Les voici à nouveau au matin de Pâques, libérant ses disciples de la peur et de l'angoisse.

Devant Thomas, se passe une scène que nous pouvonscomparer à la transfiguration où Thomas s'écrie : «  Mon Seigneur et mon Dieu  ». Il proclame la divinité de Jésus, un sommet de l'Evangile de St Jean, un écho de son Prologue (Et le Verbe était Dieu) mais on ne nous dit pas que Thomas ait touché Jésus, c'est au contraire son acte de foi qui éclate : «  Mon Seigneur et mon Dieu.  » Au contraire sa disponibilité à croire sans toucher Jésus estle signe d'une foi authentique et d'un engagement total. Celui-ci le conduira aux Indes.

Son évangélisation est incontournable pour comprendre la naissance de la Chrétienté en Orient et dans le sud de l'Inde, au Kerala. Thomas y serait arrivé par la mer près de Cochi vers 52 où des fouilles et un musée existent. De même, il serait mort près de Chennai où sa tombe est honorée. Avec des moines et des séminaristes, j'ai pu visiter ces lieux si vénérés.

Revenons à celui qui incarne le manque de foi et qui exprime en même temps la plus haute confession christologique des Evangiles : «  Mon Seigneur et mon Dieu  ». En réponse, Jésus bénit toutes les générations futures qui croiront en lui sans avoir vu. «  Parce que tu m'as vu, tu as cru ; bienheureux ceux qui, sans avoir vu, ont cru (Jn 20, 29). Cet acte de foi devient une béatitude ! La foi de ceux qui n'ont pas vu le Ressuscité et qui croient en sa Résurrection est aussi grande, si pas plus, que celle de ceux qui l'ont vu de leurs yeux.

A côté des apparitions de Jésus ressuscité aux Apôtres les deux premières lecturesdécrivent la vie des communautés chrétiennes après la Pentecôte. Il est utile pour nous de nous remémorer les fondements de leur vie qui rejoint celles de nos vies aujourd'hui.

La lumière et l'enthousiasme qui envahissent Thomas et les Apôtres pour la mission qui leur est confiée,la bonne nouvelle du Royaume, se transmettent à la Pentecôte. Dès lors, la mission du Christ est achevée. Le Père nous envoie l'Esprit Saint. Comme l'exprime saint Paul : «  L'amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l'Esprit qui nous a été donné (2 Rom 5, 5). Telle est l'affection ardente que le Père a déversée sur l'humanité et qui est décrite dans les Actes des Apôtres et la lettre de st Pierre. Ce dernier proclame dans la deuxième lecture l'importance de la foi :

«  Que votre foi reçoive louange, gloire et honneur quand se révèlera Jésus-Christ. Lui, vous l'aimez sans l'avoir vu ; en lui, sans le voir encore, vous mettez votre foi, vous exultez d'une joie inexprimable et remplie de gloire...c'est-à-dire d'espérance et d'amour  ». Et dans les Actes des Apôtres, méditation de la Parole de Dieu, prière et vie commune aboutissent dans l'eucharistie que nous célébrons dans la même foi du Ressuscité :

«  Les frères étaient assidus à l'enseignement des Apôtres et à lacommunion fraternelle, à la fraction du pain et aux prières. Tous les croyants vivaient ensemble et ils avaient tout en commun. Chaque jour d'un même cœur, ils fréquentaient assidûment le Temple, ils rompaient le pain dans les maisons, ils prenaient leur repas avec allégresse et simplicité de cœur ; ils louaient Dieu  ».

Trois fondements résument ces engagements : Foi, espérance et charité.

L'allégresse et simplicité de cœur habitent-t-elles toujours nos communautés ? Nos communautés monastiques se nourrissent de la Parole de Dieu et de la prière, de la vie commune partagée et de l'accueil des hôtes, de l'eucharistie, clé de voûte de nos journées et espérance d'être accueillis par le Christ mort et ressuscité. Puissions-nous en témoigner tout au long de nos vies.

 

Tous les croyants vivaient ensemble, et ils avaient tout en commun

Les frères étaient assidus à l'enseignement des Apôtres et à la communion fraternelle, à la fraction du pain et aux prières. La crainte de Dieu était dans tous les c?urs à la vue des nombreux prodiges et signes accomplis par les Apôtres.

Tous les croyants vivaient ensemble, et ils avaient tout en commun ; ils vendaient leurs biens et leurs possessions, et ils en partageaient le produit entre tous en fonction des besoins de chacun.

Chaque jour, d'un même c?ur, ils fréquentaient assidûment le Temple, ils rompaient le pain dans les maisons, ils prenaient leurs repas avec allégresse et simplicité de c?ur ; ils louaient Dieu et avaient la faveur du peuple tout entier. Chaque jour, le Seigneur leur adjoignait ceux qui allaient être sauvés.

- Parole du Seigneur.

Ac 2, 42-47

Oui, que le dise Israël : Éternel est son amour ! Que le dise la maison d'Aaron : Éternel est son amour ! Qu'ils le disent, ceux qui craignent le Seigneur : Éternel est son amour !

On m'a poussé, bousculé pour m'abattre ; mais le Seigneur m'a défendu. Ma force et mon chant, c'est le Seigneur ; il est pour moi le salut. Clameurs de joie et de victoire sous les tentes des justes.

La pierre qu'ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre d'angle ; c'est là l'?uvre du Seigneur, la merveille devant nos yeux. Voici le jour que fit le Seigneur, qu'il soit pour nous jour de fête et de joie !

Ps 117 (118), 2-4, 13-15b, 22-24

Le Christ, vous l'aimez sans l'avoir vu ; en lui, vous mettez votre foi, vous exultez d'une joie inexprimable

Béni soit Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus Christ : dans sa grande miséricorde, il nous a fait renaître pour une vivante espérance grâce à la résurrection de Jésus Christ d'entre les morts, pour un héritage qui ne connaîtra ni corruption, ni souillure, ni flétrissure. Cet héritage vous est réservé dans les cieux, à vous que la puissance de Dieu garde par la foi, pour un salut prêt à se révéler dans les derniers temps. Aussi vous exultez de joie, même s'il faut que vous soyez affligés, pour un peu de temps encore, par toutes sortes d'épreuves ; elles vérifieront la valeur de votre foi qui a bien plus de prix que l'or - cet or voué à disparaître et pourtant vérifié par le feu - , afin que votre foi reçoive louange, gloire et honneur quand se révélera Jésus Christ. Lui, vous l'aimez sans l'avoir vu ; en lui, sans le voir encore, vous mettez votre foi, vous exultez d'une joie inexprimable et remplie de gloire, car vous allez obtenir le salut des âmes qui est l'aboutissement de votre foi.

- Parole du Seigneur.

1 P 1, 3-9

Huit jours plus tard, Jésus vient

C'était après la mort de Jésus. Le soir venu, en ce premier jour de la semaine, alors que les portes du lieu où se trouvaient les disciples étaient verrouillées par crainte des Juifs, Jésus vint, et il était là au milieu d'eux. Il leur dit : « La paix soit avec vous ! » Après cette parole, il leur montra ses mains et son côté. Les disciples furent remplis de joie en voyant le Seigneur. Jésus leur dit de nouveau : « La paix soit avec vous ! De même que le Père m'a envoyé, moi aussi, je vous envoie. » Ayant ainsi parlé, il souffla sur eux et il leur dit : « Recevez l'Esprit Saint. À qui vous remettrez ses péchés, ils seront remis ; à qui vous maintiendrez ses péchés, ils seront maintenus. »

Or, l'un des Douze, Thomas, appelé Didyme (c'est-à-dire Jumeau), n'était pas avec eux quand Jésus était venu. Les autres disciples lui disaient : « Nous avons vu le Seigneur ! » Mais il leur déclara : « Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt dans la marque des clous, si je ne mets pas la main dans son côté, non, je ne croirai pas ! »

Huit jours plus tard, les disciples se trouvaient de nouveau dans la maison, et Thomas était avec eux. Jésus vient, alors que les portes étaient verrouillées, et il était là au milieu d'eux. Il dit : « La paix soit avec vous ! » Puis il dit à Thomas : « Avance ton doigt ici, et vois mes mains ; avance ta main, et mets-la dans mon côté : cesse d'être incrédule, sois croyant. » Alors Thomas lui dit : « Mon Seigneur et mon Dieu ! » Jésus lui dit : « Parce que tu m'as vu, tu crois. Heureux ceux qui croient sans avoir vu. »

Il y a encore beaucoup d'autres signes que Jésus a faits en présence des disciples et qui ne sont pas écrits dans ce livre. Mais ceux-là ont été écrits pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et pour qu'en croyant, vous ayez la vie en son nom.

- Acclamons la Parole de Dieu.

Jn 20, 19-31