Homélie du 23 avril 2023

 Il se fit reconnaître par eux à la fraction du pain 

dimanche, 3ème Semaine du Temps Pascal - Année A

Une homélie de fr. Grégoire Maertens

Homélie :
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Il y a un invité qui manque et je suis un peu gêné de prendre sa place. Vous aurez deviné qu'il s'agit de celui que l'Évangile de ce jour décrit comme « interprétant dans toute l'Écriture ce qui le concernait ». Quoi qu'il en soit, nous voici, vous comme moi, invités à interpréter, à expliquer, à traduire ce qui a été lu. Le problème c'est qu'il ne suffit pas d'avoir de bons yeux et de bonnes oreilles : Jésus attend de ses interlocuteurs intelligence et promptitude à croire.

La lecture des Actes des Apôtres montre un Saint Pierre transformé : debout, d'une voix forte, le disciple craintif qui par trois fois avait prétendu tout ignorer de son Maître, professe maintenant avec assurance : « Ce Jésus que vous avez supprimé, Dieu l'a ressuscité ! »

Les disciples d'Emmaüs ne connaissent que la première et douloureuse phase de l'histoire : pour les remettre sur pied, il leur faut un « exégète », un explicateur, et le voilà qui les rejoint incognito pour leur révéler la face cachée des événements. Du coup, tout s'accélère : après le geste du pain rompu et partagé et la stupéfaction devant la disparition subite de l'hôte inattendu, c'est le retour précipité à Jérusalem et le partage, avec les Apôtres, de la Bonne Nouvelle de la rencontre du Seigneur : les deux témoignages coïncident : « Le Seigneur est réellement ressuscité ! »

Nous voici nous-mêmes, maintenant à la table d'Emmaüs : Jésus, il est vrai, nous commençons à le connaître un peu ! Quant à son Père - je parle pour moi - : c'est autre chose ! Et s'il s'agissait, maintenant que le Fils s'est fait connaître, par tout ce qu'il fait et enseigné, de nous demander comment connaître vraiment le Père ? De déchiffrer dans la vie du Fils ce qui concerne le Père-« Qui m'a vu a vu le Père »-et d'apprendre, grâce à lui, comme dit l'Apôtre Pierre, à vivre dans la « crainte de Dieu ».

Crainte de Dieu ! Ce mot vous fait peut-être sursauter ? En fait, il est riche de sens et signifie dans le langage biblique un respect rempli d'amour, une tendresse empreinte d'égards. Interrogeons Jésus, sa vie sa mort, sa résurrection, pour aller au Père : ce n'est pas un voyage comme les autres mais un voyage intérieur, un approfondissement de foi : ici pas de mode d'emploi, pas de GPS pour aller au Père mais un mémorial à accueillir avec intelligence et foi : « Faites ceci en mémoire de Moi, en mémoire de mon Père : mon amour pour vous est l'écho fidèle de sa tendresse pour chacun de vous.

Cette sollicitude de notre Dieu, que nous appelions le « Bon Dieu », se détaille dans les Sacrements de l'Eglise qui accompagnent le croyant dans chaque étape de sa vie joyeuse ou souffrante, Baptême, Confirmation, Sacrement du Pardon et de la Réconciliation, Mariage, Ordination sacerdotale, Onction des malades : notre cœur est-il tout brûlant pour discerner dans chacun de ces signes la présence attentive du Père du Ressuscité ?

En ce moment j'ai tout d'un coup un peu peur que les propos tenus jusqu'à présent vous donnent l'impression d'être sur un petit nuage, loin des préoccupations quotidiennes, après quoi il sera toujours temps de retrouver les tâches dites « sérieuses » : la politique, les questions sociales, la famille, le monde en mutation.....

Mais en réalité, l'essentiel ne serait-il pas ici ? Pierre et Paul ne se relayent-ils pas pour rappeler qu'il faut « obéir à Dieu plutôt qu'aux hommes » et qu'il s'agit de vivre « dans la crainte de Dieu » : encore une fois, cela ne signifie pas : dans la frousse mais dans la pleine conscience du grand amour dont il nous a aimés.

Dans son livre « Le Seigneur de la danse. Essai sur la joie d'être libre », le théologien J. Moltmann dit cela à sa manière : « La rigueur morale et politique de la réalisation de l'histoire est dépassée et assumée par une joie paisible devant l'existence elle-même... Les tâches politiques ou sociales pour qui les prend au sérieux, sont immenses. Mais une responsabilité infinie ruine l'homme, car l'homme n'est pas Dieu..... » Dans le village de mon enfance il n'était pas rare que les gens concluent une conversation par un « Als 't God belieft », « S'il plaît à Dieu ! » N'était-ce pas une belle manière d'introduire l'hôte invisible dans la conversation ?

Frères et Sœurs, nous ne sommes pas Dieu, mais nous ne sommes pas non plus laissés à nous-mêmes dans la quête du Dieu vivant : c'est par Jésus, Agneau sans défaut et sans tache : « C'est par Lui que vous croyez en Dieu », dit encore l'Apôtre Pierre : cette conclusion, mille fois répétée est un élément essentiel de toute prière chrétienne.

Nous ne nous faisons pas d'illusions sur notre capacité de croire, d'espérer, d'aimer...mais nous professons que cette capacité nous vient du Christ ressuscité : alors, frères et sœurs, quand nous chanterons : « Par lui, avec lui et en lui, à toi Dieu le Père tout-puissant, dans l'unité du Saint-Esprit, tout honneur et toute gloire te soit rendue ! », que ce soit avec une intelligence renouvelée et une foi ressuscité. AMEN !

 

Il n'était pas possible que la mort le retienne en son pouvoir

Le jour de la Pentecôte, Pierre, debout avec les onze autres Apôtres, éleva la voix et leur fit cette déclaration : « Vous, Juifs, et vous tous qui résidez à Jérusalem, sachez bien ceci, prêtez l'oreille à mes paroles. Il s'agit de Jésus le Nazaréen, homme que Dieu a accrédité auprès de vous en accomplissant par lui des miracles, des prodiges et des signes au milieu de vous, comme vous le savez vous-mêmes. Cet homme, livré selon le dessein bien arrêté et la prescience de Dieu, vous l'avez supprimé en le clouant sur le bois par la main des impies. Mais Dieu l'a ressuscité en le délivrant des douleurs de la mort, car il n'était pas possible qu'elle le retienne en son pouvoir. En effet, c'est de lui que parle David dans le psaume : Je voyais le Seigneur devant moi sans relâche : il est à ma droite, je suis inébranlable. C'est pourquoi mon c?ur est en fête, et ma langue exulte de joie ; ma chair elle-même reposera dans l'espérance : tu ne peux m'abandonner au séjour des morts ni laisser ton fidèle voir la corruption. Tu m'as appris des chemins de vie, tu me rempliras d'allégresse par ta présence.

Frères, il est permis de vous dire avec assurance, au sujet du patriarche David, qu'il est mort, qu'il a été enseveli, et que son tombeau est encore aujourd'hui chez nous. Comme il était prophète, il savait que Dieu lui avait juré de faire asseoir sur son trône un homme issu de lui. Il a vu d'avance la résurrection du Christ, dont il a parlé ainsi : Il n'a pas été abandonné à la mort, et sa chair n'a pas vu la corruption. Ce Jésus, Dieu l'a ressuscité ; nous tous, nous en sommes témoins. Élevé par la droite de Dieu, il a reçu du Père l'Esprit Saint qui était promis, et il l'a répandu sur nous, ainsi que vous le voyez et l'entendez.

- Parole du Seigneur.

Ac 2, 14.22b-33

Garde- moi, mon Dieu : j'ai fait de toi mon refuge. J'ai dit au Seigneur : « Tu es mon Dieu ! Seigneur, mon partage et ma coupe : de toi dépend mon sort. »

Je bénis le Seigneur qui me conseille : même la nuit mon c?ur m'avertit. Je garde le Seigneur devant moi sans relâche ; il est à ma droite : je suis inébranlable.

Mon c?ur exulte, mon âme est en fête, ma chair elle-même repose en confiance : tu ne peux m'abandonner à la mort ni laisser ton ami voir la corruption.

Tu m'apprends le chemin de la vie : devant ta face, débordement de joie ! À ta droite, éternité de délices !

Ps 15 (16), 1-2a.5, 7-8, 9-10, 11

Vous avez été rachetés par un sang précieux, celui d'un agneau sans tache, le Christ

Bien-aimés, si vous invoquez comme Père celui qui juge impartialement chacun selon son ?uvre, vivez donc dans la crainte de Dieu, pendant le temps où vous résidez ici-bas en étrangers. Vous le savez : ce n'est pas par des biens corruptibles, l'argent ou l'or, que vous avez été rachetés de la conduite superficielle héritée de vos pères ; mais c'est par un sang précieux, celui d'un agneau sans défaut et sans tache, le Christ. Dès avant la fondation du monde, Dieu l'avait désigné d'avance et il l'a manifesté à la fin des temps à cause de vous. C'est bien par lui que vous croyez en Dieu, qui l'a ressuscité d'entre les morts et qui lui a donné la gloire ; ainsi vous mettez votre foi et votre espérance en Dieu.

- Parole du Seigneur.

1 P 1, 17-21

Reste avec nous car le soir approche

Le même jour (c'est-à-dire le premier jour de la semaine), deux disciples faisaient route vers un village appelé Emmaüs, à deux heures de marche de Jérusalem, et ils parlaient entre eux de tout ce qui s'était passé.

Or, tandis qu'ils s'entretenaient et s'interrogeaient, Jésus lui-même s'approcha, et il marchait avec eux. Mais leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître. Jésus leur dit : « De quoi discutez-vous en marchant ? » Alors, ils s'arrêtèrent, tout tristes. L'un des deux, nommé Cléophas, lui répondit : « Tu es bien le seul étranger résidant à Jérusalem qui ignore les événements de ces jours-ci. » Il leur dit : « Quels événements ? » Ils lui répondirent : « Ce qui est arrivé à Jésus de Nazareth, cet homme qui était un prophète puissant par ses actes et ses paroles devant Dieu et devant tout le peuple : comment les grands prêtres et nos chefs l'ont livré, ils l'ont fait condamner à mort et ils l'ont crucifié. Nous, nous espérions que c'était lui qui allait délivrer Israël. Mais avec tout cela, voici déjà le troisième jour qui passe depuis que c'est arrivé. À vrai dire, des femmes de notre groupe nous ont remplis de stupeur. Quand, dès l'aurore, elles sont allées au tombeau, elles n'ont pas trouvé son corps ; elles sont venues nous dire qu'elles avaient même eu une vision : des anges, qui disaient qu'il est vivant. Quelques-uns de nos compagnons sont allés au tombeau, et ils ont trouvé les choses comme les femmes l'avaient dit ; mais lui, ils ne l'ont pas vu. » Il leur dit alors : « Esprits sans intelligence ! Comme votre c?ur est lent à croire tout ce que les prophètes ont dit ! Ne fallait-il pas que le Christ souffrît cela pour entrer dans sa gloire ? » Et, partant de Moïse et de tous les Prophètes, il leur interpréta, dans toute l'Écriture, ce qui le concernait.

Quand ils approchèrent du village où ils se rendaient, Jésus fit semblant d'aller plus loin. Mais ils s'efforcèrent de le retenir : « Reste avec nous, car le soir approche et déjà le jour baisse. » Il entra donc pour rester avec eux.

Quand il fut à table avec eux, ayant pris le pain, il prononça la bénédiction et, l'ayant rompu, il le leur donna. Alors leurs yeux s'ouvrirent, et ils le reconnurent, mais il disparut à leurs regards. Ils se dirent l'un à l'autre : « Notre c?ur n'était-il pas brûlant en nous, tandis qu'il nous parlait sur la route et nous ouvrait les Écritures ? » À l'instant même, ils se levèrent et retournèrent à Jérusalem. Ils y trouvèrent réunis les onze Apôtres et leurs compagnons, qui leur dirent : « Le Seigneur est réellement ressuscité : il est apparu à Simon-Pierre. » À leur tour, ils racontaient ce qui s'était passé sur la route, et comment le Seigneur s'était fait reconnaître par eux à la fraction du pain.

- Acclamons la Parole de Dieu.

Lc 24, 13-35