Une homélie de fr. Pierre de Béthune
Nous avons entendu Jésus nous dire : « Le pain que je donnerai, c'est ma chair pour que le monde ait la vie. » Mais quelle est cette 'vie' ? Est-ce la vie éternelle, après notre mort ? En ce cas, il n'y a plus qu'à attendre. Mais la suite du texte nous donne aussi une piste que nous devons développer dès aujourd'hui : Jésus dit encore, un peu plus loin, qu'il s'agit de « demeurer en lui, comme lui en nous ». C'est ça la vie, « la vie en abondance », comme il le dit ailleurs, une vie en communion. On dit parfois : 'je vais à communion', mais il faut plutôt dire : 'je suis en communion', et pas seulement au moment de recevoir l'hostie. Parce que Jésus nous a demandé de 'demeurer' en lui. Demeurer, rester en lui, c'est participer à sa vie donnée, partagée ; c'est finalement communier avec tous nos frères et sœurs, et être ensemble ce que nous pouvons appeler le Corps du Christ !
Oui, aujourd'hui, en ce dimanche du Saint Sacrement, nous ne célébrons pas que ce mystère de la Présence réelle du Seigneur dans le pain et le vin consacrés. Nous voulons ouvrir plus largement notre horizon, nous voulons mieux reconnaitre et célébrer notre participation au Corps du Christ.
Cette image du 'Corps du Christ' peut nous sembler encore assez vague. Mais rappelons-nous que, pour Jésus, nous sommes d'abord des 'Convives'. C'est en effet au cours d'un repas qu'il a institué ce sacrement que nous célébrons et qui fait de nous un seul Corps. Il a voulu révéler ce qu'il était le plus fondamentalement pour nous en nous convoquant à ce repas où il a partagé le pain et le vin. Pour un peu mieux comprendre comment il souhaite que nous participions au Corps du Christ, nous pouvons donc regarder comment nous nous comportons au cours d'un repas. Il ne s'agit pas d'un 'libre service' où chacun se sert à son gré, sans nécessairement se préoccuper des autres. Quand nous participons de tout cœur à un repas, le plus important est le partage, l'attention entre les convives, l'unité de cœurs. C'est à cela que nous sommes appelés, dans le Christ.
Aussi, dans le Nouveau Testament, nous pouvons voir que chaque fois qu'il est question de ce mystère du Corps et du Sang de Jésus, par exemple dans le court texte de saint Paul aux Corinthiens, il s'agit de communion au pain-qui-est-rompu, partagé, donné, et au sang-versé-pour-la-multitude. Ce qui est sacré, ce n'est pas uniquement le pain, pris isolément, mais le pain-rompu, le vin-partagé, oui, ce qui est le plus importante, c'est le lien ainsi créé entre tous les participants. Il s'agit alors d'une 'commune union' au Christ. Comme le dit encore saint Paul : « quoique nombreux, nous sommes un seul pain, un seul corps. » La vie, la vie en abondance, dont parle l'évangéliste, est cette vie partagée.
Nous tenons à régulièrement communier au Corps du Christ, à « manger sa chair », pour adopter peu à peu sa façon de faire, sa façon de partager. Et dans ce Corps du Christ il y a constamment un mouvement d'échange, d'accueil et de don : « Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement ! » Quand nous en faisons partie, nous sommes entraînés dans ce mouvement et nous ne vivons plus pour nous-mêmes. Ce que nous avons reçu, il faut le transmettre, le remettre dans le mouvement. Que ce soit le pardon ou la connaissance, ou encore la foi, - ou la joie des Béatitudes.
Quand nous célébrons l'eucharistie, comme en ce moment, nous sommes bien calmes, bien rangés, presque immobiles, et nous allons bientôt recevoir la communion, mais, en réalité, nous faisons le plein d'énergie pour pouvoir ensuite être, très efficacement, des hommes, des femmes de communion.
Concrètement, j'ai proposé que nous améliorions un peu le rite de communion. À partir d'aujourd'hui, et désormais les dimanches, quand les frères désignés auront partagé les pains consacrés à l'autel, ils iront dans les différents secteurs de la chapelle, mais au lieu de déposer une parcelle dans la main de chacun, ils feront passer le plateau des pains. Chacun recevra donc le plateau, se servira et passera le plateau au suivant. Les frères veilleront seulement à ce que cela sa passe bien et qu'aucune rangée ne soit oubliée. De cette façon, moins passive, le partage entre chacun des participants sera mieux reconnu.
Prions donc les uns les autres pour que nous réalisions toujours mieux cette grâce merveilleuse que nous célébrons aujourd'hui : nous qui communions au pain consacré nous faisons vraiment partie du Corps du Christ, de ce que nous appelons, dans le credo, 'la communion des saints'. Et aidons-nous les uns les autres à vivre en conséquence, pour vivre pleinement, 'en abondance'.
Moïse disait au peuple d'Israël : « Souviens-toi de la longue marche que tu as faite pendant quarante années dans le désert ; le Seigneur ton Dieu te l'a imposée pour te faire passer par la pauvreté ; il voulait t'éprouver et savoir ce que tu as dans le c?ur : allais-tu garder ses commandements, oui ou non ? Il t'a fait passer par la pauvreté, il t'a fait sentir la faim, et il t'a donné à manger la manne - cette nourriture que ni toi ni tes pères n'aviez connue - pour que tu saches que l'homme ne vit pas seulement de pain, mais de tout ce qui vient de la bouche du Seigneur. N'oublie pas le Seigneur ton Dieu qui t'a fait sortir du pays d'Égypte, de la maison d'esclavage. C'est lui qui t'a fait traverser ce désert, vaste et terrifiant, pays des serpents brûlants et des scorpions, pays de la sécheresse et de la soif. C'est lui qui, pour toi, a fait jaillir l'eau de la roche la plus dure. C'est lui qui, dans le désert, t'a donné la manne - cette nourriture inconnue de tes pères. »
- Parole du Seigneur.
Dt 8, 2-3.14b-16a
Glorifie le Seigneur, Jérusalem ! Célèbre ton Dieu, ô Sion ! Il a consolidé les barres de tes portes, dans tes murs il a béni tes enfants.
Il fait régner la paix à tes frontières, et d'un pain de froment te rassasie. Il envoie sa parole sur la terre : rapide, son verbe la parcourt.
Il révèle sa parole à Jacob, ses volontés et ses lois à Israël. Pas un peuple qu'il ait ainsi traité ; nul autre n'a connu ses volontés.
Ps 147 (147 B), 12-13, 14-15, 19-20
Frères, la coupe de bénédiction que nous bénissons, n'est-elle pas communion au sang du Christ ? Le pain que nous rompons, n'est-il pas communion au corps du Christ ? Puisqu'il y a un seul pain, la multitude que nous sommes est un seul corps, car nous avons tous part à un seul pain.
- Parole du Seigneur.
1 Co 10, 16-17