Homélie du 1 novembre 2023

Réjouissez-vous, soyez dans l'allégresse, car votre récompense est grande dans les cieux !

Fête de tous les saints

Une homélie de fr. Pierre de Béthune

Homélie :
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Nous sommes toujours heureux de réentendre cet évangile des Béatitudes. Nous comprenons que le Père Jacques Dupont ait consacré plusieurs années de sa vie à les étudier et à les annoncer.

Tout l'Evangile y est comme récapitulé. On a même pu dire que ces huit Béatitudes étaient la manifestation du Père, parfait et miséricordieux, l'incarnation de son Amour invisible, un peu comme la lumière invisible est réfractée en toutes les couleurs de l'arc en ciel.

Elles sont en tout cas les traits du visage du Christ, pauvre, doux, affamé de justice, etc. Pour chacune des Béatitudes nous pouvons trouver plusieurs phrases de l'Evangile qui montrent comment Jésus réalisait lui-même cet appel adressé à ses disciples au début de l'annonce de la Bonne Nouvelle.

A leur tour les différents saints que nous fêtons aujourd'hui illustrent, chacun à sa façon, ces Béatitudes. Pour chacune nous trouvons facilement un ou plusieurs saints qui nous les rendent proches et concrètes. Il y a les grands saints, comme, par exemple, saint François d'Assise pour illustrer la Béatitude de la pauvreté, Vincent de Paul ou Mère Teresa pour la miséricorde, Thérèse de Lisieux pour la pureté de cœur, mais il y aussi des personnes beaucoup plus contemporaines, que nous avons même pu rencontrer et qui attestent que telle ou telle Béatitude est vraiment source de vie et de joie.

En effet, pour nous aussi, ces Béatitudes sont des chemins pour rejoindre le Seigneur Jésus. Nous sommes plus particulièrement touchés par l'une ou l'autre, selon notre situation, notre âge, -- que sais-je, -- et nous y entendons un appel personnel à mettre pratiquement en œuvre l'Evangile.

D'ailleurs il n'y a pas que ces huit Béatitudes annoncées dans l'évangile d'aujourd'hui. Je pourrais en rappeler quelques autres :

Heureux ceux qui entendent ma parole et qui la gardent ;
Heureux ceux qui croient sans avoir vu ;
Heureux le serviteur que le Maître trouvera vigilant ;
Heureux ceux qui accueillent des pauvres qui ne peuvent rien leur rendre ;
Heureux êtes-vous si vous comprenez ce que je fais (en vous lavant les pieds) ;
Heureux les invités au repas du Seigneur...

Il faudrait ajouter ici ces Béatitudes exprimées en d'autres termes, comme quand Jésus dit : «  Venez, les bénis de mon Père, parce que vous m'avez donné à manger quand j'avais faim  », etc.

Aujourd'hui, je voudrais vous parler de la façon de l'accueillir Béatitudes dans notre vie et de recevoir ce message que le Christ nous adresse personnellement. Quel que soit le bout par lequel nous le prenons l'Evangile, nous arrivons toujours au centre ; l'important est de bien saisir ce bout, de s'engager résolument là où nous en sentons le goût. Le 'goût' personnel que nous éprouvons pour telle ou telle attitude n'est pas à prendre au sens superficiel de caprice ou de gourmandise ; il se rapporte à notre inclination la plus profonde, notre manière la plus personnelle d'aimer, -- bref ce pour quoi nous nous sentons appelés à vivre. Ce peut être un aspect très particulier de l'Evangile comme la douceur, l'accueil inconditionnel ou la vigilance dans le service, mais nous savons bien que chacun de ces traits conduit plus loin, puisque toutes les Béatitudes convergent vers le centre, chacune étant comme une fraction de ce grand arc en ciel où se réfracte l'unique Amour du Père.

Cette méditation sur la place des Béatitudes dans notre vie nous conduit ensuite à mieux voir la façon que Jésus a de nous appeler. Il n'est pas un maître de doctrine, mais un éveilleur de conscience.

Si l'évangéliste saint Matthieu a placé les Béatitudes au début du Sermon sur la montagne, c'est qu'il avait compris qu'elles donnaient le ton de tout ce qui suivra. Cet exorde annonce tout l'Evangile. Il est avant tout une invitation à la joie, puisqu'il est l'annonce d'une Bonne Nouvelle. Heureux sommes-nous si nous l'entendons !

Jésus n'abroge pas pour autant la Loi, il n'en abolit pas un iota. Il confirme les commandements : «  Tu aimeras ton Dieu... ; tu aimeras ton prochain comme toi-même.  » Seulement tout est désormais renouvelé, parce qu'il ajoute cette invitation à devenir comme le Père, parfait et miséricordieux, le Père qui donne son soleil aux bons et aux méchants.

Tout l'Evangile, comme les Béatitudes est de l'ordre de l'invitation et non pas des préceptes : Jésus ne dit pas : vous devez être plus pauvre de cœur, plus miséricordieux, plus pacifiques, mais il évoque une façon de vivre la Loi et témoigne par toute sa vie qu'elle est une source de joie. C'est pourquoi il nous invite à développer, nous aussi, ce goût en nous, pour la bonté, la liberté, la pureté de cœur, cette aspiration peut-être trop ignorée ou même atrophiée, mais bien réelle. Jésus nous montre où est le vrai bonheur : «  Oui, heureux êtes-vous, si...  »

Il commence toujours par dire : «  Si tu veux...  » Il ne s'adresse qu'à des hommes libres -- ou désireux de le devenir. Même quand il formule des injonctions, comme «  Aimez vos ennemis  », même quand il utilise un langage apparemment juridique, comme quand il dit : «  Quiconque se fâche contre son frère, il en répondra au tribunal  », il est évident qu'il ne veut pas donner d'ordres, et encore moins instaurer une espèce d'inquisition qui nous oblige à faire le bien. On a quelquefois voulu considérer l'Evangile comme un code de lois, mais c'est là une forme de 'zèle amer' qui est une véritable perversion de l'Evangile. La 'Loi nouvelle' est une 'Loi de liberté', pour reprendre l'expression paradoxale de saint Paul. Et c'est logique, puisqu'elle est le commandement de l'amour. Or, même si on peut conjuguer le verbe 'aimer' à l'impératif, dire : «  aime ton frère  » n'est pas un commandement du même ordre que «  tais-toi et mange !  » Et tout l'Evangile se situe dans ce mouvement de l'amour, c'est-à-dire au-delà des commandements. Car Jésus n'utilise pas le procédé du bâton et de la carotte, des menaces et des promesses. Quand il invite à dépasser la justice élémentaire, c'est toujours en respectant le désir de chacun : «  Si tu veux goûter une joie particulière, laisse là tes richesses et suis-moi...  »

Être un meilleur chrétien n'est donc pas accomplir plus scrupuleusement toutes les prescriptions, -- les 613 que les scribes avaient répertoriées dans la Torah, plus toutes celles de la Nouvelle Alliance, -- mais c'est développer ce goût pour la vie selon l'Evangile, c'est aimer marcher plus volontiers comme Jésus, ou, comme le dit saint Benoît, arriver à tout faire sans crainte, par amour, -- sans peine, comme naturellement et par l'attrait du bien. Oui, son joug est aisé, son fardeau léger. On ne devient un meilleur chrétien que quand on aime plus volontiers. C'est précisément ce dont témoignent les saints. Les difficultés ne leur ont pas été épargnées, bien au contraire, mais ils ont traversé cela dans une paix profonde et même avec une certaine aisance, semble-t-il.

Ceux parmi eux qu'on peut mieux connaître nous montrent aussi comment nous y prendre concrètement pour développer ce goût : en veillant à entendre l'appel de Jésus, c'est-à-dire en prenant le temps pour entendre l'Evangile, en laissant résonner cet appel dans le silence et la prière. Enfin ils nous invitent à tenter l'expérience, ne fût-ce qu'une fois, pour vérifier par nous-mêmes quelle est cette joie si particulière, la joie du pardon, de la pureté de cœur, etc.... C'est ainsi que nous entrons dans le chemin.

Il faut cependant ajouter que si nous continuons à faire ces vérifications, pour 'éprouver' la beauté du chemin évangélique, nous faisons aussi, immanquablement, l'expérience de l'épreuve, de la souffrance. Tout chemin spirituel passe par la croix, parce qu'il passe par la solidarité. L'engagement à la suite de Jésus exige une disponibilité entière, une confiance totale et l'accueil le plus paisible possible des exigences du partage, là où nous sommes. On peut lire dans les Actes des Apôtres que, dès le début, les disciples ont été parfois maltraités, mais, en sortant de prison, «  ils étaient tout joyeux d'avoir été dignes de souffrir pour le nom du Seigneur  » (Ac 5, 41). C'est en somme l'expérience de la dernière Béatitude : «  Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice...  »

Tant il est vrai que, même si nous abordons les Béatitudes par l'une d'entre elles, avec le temps, nous finissons toujours par les découvrir toutes. Tôt ou tard tout l'arc en ciel se déploie pour nous. Et, dans la mesure où nous sommes éveillés à cette joie, nous pouvons aussi la voir sur les visages de tant d'autres frères et sœurs. Nous pouvons même parfois la rayonner et la réveiller chez ceux qui l'ont perdue.

 

Voici une foule immense que nul ne pouvait dénombrer, une foule de toutes nations, tribus, peuples et langues

Moi, Jean, j'ai vu un ange qui montait du côté où le soleil se lève, avec le sceau qui imprime la marque du Dieu vivant ; d'une voix forte, il cria aux quatre anges qui avaient reçu le pouvoir de faire du mal à la terre et à la mer : « Ne faites pas de mal à la terre, ni à la mer, ni aux arbres, avant que nous ayons marqué du sceau le front des serviteurs de notre Dieu. » Et j'entendis le nombre de ceux qui étaient marqués du sceau : ils étaient cent quarante-quatre mille, de toutes les tribus des fils d'Israël.

Après cela, j'ai vu : et voici une foule immense, que nul ne pouvait dénombrer, une foule de toutes nations, tribus, peuples et langues. Ils se tenaient debout devant le Trône et devant l'Agneau, vêtus de robes blanches, avec des palmes à la main. Et ils s'écriaient d'une voix forte : « Le salut appartient à notre Dieu qui siège sur le Trône et à l'Agneau ! » Tous les anges se tenaient debout autour du Trône, autour des Anciens et des quatre Vivants ; se jetant devant le Trône, face contre terre, ils se prosternèrent devant Dieu. Et ils disaient : « Amen ! Louange, gloire, sagesse et action de grâce, honneur, puissance et force à notre Dieu, pour les siècles des siècles ! Amen ! » L'un des Anciens prit alors la parole et me dit : « Ces gens vêtus de robes blanches, qui sont-ils, et d'où viennent-ils ? » Je lui répondis : « Mon seigneur, toi, tu le sais. » Il me dit : « Ceux-là viennent de la grande épreuve ; ils ont lavé leurs robes, ils les ont blanchies par le sang de l'Agneau. »

- Parole du Seigneur.

Ap 7, 2-4.9-14

Au Seigneur, le monde et sa richesse, la terre et tous ses habitants ! C'est lui qui l'a fondée sur les mers et la garde inébranlable sur les flots.

Qui peut gravir la montagne du Seigneur et se tenir dans le lieu saint ? L'homme au c?ur pur, aux mains innocentes, qui ne livre pas son âme aux idoles.

Il obtient, du Seigneur, la bénédiction, et de Dieu son Sauveur, la justice. Voici le peuple de ceux qui le cherchent ! Voici Jacob qui recherche ta face !

Ps 23 (24), 1-2, 3-4ab, 5-6

Nous verrons Dieu tel qu'il est

Bien-aimés, voyez quel grand amour nous a donné le Père pour que nous soyons appelés enfants de Dieu - et nous le sommes. Voici pourquoi le monde ne nous connaît pas : c'est qu'il n'a pas connu Dieu. Bien-aimés, dès maintenant, nous sommes enfants de Dieu, mais ce que nous serons n'a pas encore été manifesté. Nous le savons : quand cela sera manifesté, nous lui serons semblables car nous le verrons tel qu'il est. Et quiconque met en lui une telle espérance se rend pur comme lui-même est pur.

- Parole du Seigneur.

1 Jn 3, 1-3

Réjouissez-vous, soyez dans l'allégresse, car votre récompense est grande dans les cieux !

En ce temps-là, voyant les foules, Jésus gravit la montagne. Il s'assit, et ses disciples s'approchèrent de lui. Alors, ouvrant la bouche, il les enseignait. Il disait : « Heureux les pauvres de c?ur, car le royaume des Cieux est à eux. Heureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés. Heureux les doux, car ils recevront la terre en héritage. Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés. Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde. Heureux les c?urs purs, car ils verront Dieu. Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu. Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, car le royaume des Cieux est à eux. Heureux êtes-vous si l'on vous insulte, si l'on vous persécute et si l'on dit faussement toute sorte de mal contre vous, à cause de moi. Réjouissez-vous, soyez dans l'allégresse, car votre récompense est grande dans les cieux ! »

- Acclamons la Parole de Dieu.

Mt 5, 1-12a