Homélie du 26 novembre 2023

 Il siégera sur son trône de gloire et séparera les hommes les uns des autres 

Notre Seigneur Jésus Christ Roi de l'Univers - Année A

Une homélie de fr. Benoît Standaert

Homélie :
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Bienvenue à vous tous, chers amis, en ce dernier dimanche de l'année liturgique ! Eh ! oui, aujourd'hui nous terminons déjà l'année, un bon mois avant nos calendriers de la vie civile. Dans une semaine nous entamons une année nouvelle, avec le premier dimanche de l'Avent ! On monte alors, en quatre dimanches, vers Noël et le Nouvel An !

Aujourd'hui on termine en beauté ! La liturgie ouvre les plus beaux registres. On contemple le Christ roi de l'univers. On devient visionnaire, répondant à la question qui s'interroge sur la fin de toutes choses : «  Qu'est-ce qu'il y aura, quand il n'y aura plus rien ?  » Les mystiques, les poètes, les scientifiques et les enfants sont ceux qui osent poser ce type de questions, qui ressemblent d'ailleurs à celles qui concernent le tout début : «  Qu'y avait-il quand il n'y avait encore rien ?  » Avant le big bang ? Avant toute chose ? On verra que dans les lectures certains comme Paul et Matthieu sont capables de penser les deux perspectives ensemble ! Ouvrons-nous au-delà des aléas de l'histoire à ce regard profond qui envisage le tout. Et laissons Dieu avec sa Parole nous éclairer. Invoquons-le, avec son immense pitié, qu'il exerce sur notre monde, son autorité de bon pasteur qui conduit les siens vers les eaux tranquilles, vers sa tente, vers sa table, dans sa maison de grâce et de paix, comme dit le psaume du jour.

Seigneur Jésus, roi de l'univers et berger des nations, viens nous visiter, prends pitié de nous.

O Christ, qui accomplis les Ecritures, achève ce que tu as commencé en nous, viens et prends pitié de nous.

Seigneur Jésus, élevé à la droite du Père où tu intercèdes sans cesse pour nous tous, viens et prends pitié de nous.

Homélie

Le Roi de l'univers apparaît dans la première lecture comme le bon berger. Il intervient, prend tout à cœur, à commencer par les brebis les plus démunies, la blessée, l'égarée, la brebis perdue, celle qui est faible, pour guérir, pour rendre l'une forte et l'autre plus saine encore, pour sauver chacune, et distinguer entre brebis et brebis, entre béliers et boucs... Voilà un berger doux et fort, sage et vraiment concerné par le sort d'un chacun.

Le psaume renchérit et proclame : «  Oui, le Seigneur est mon berger, rien ne saurait me manquer !  » On avance avec lui du désert à l'oasis, de l'herbe fraîche et des eaux tranquilles à sa tente, de la tente à sa table, pour finir dans la maison du Seigneur, le temple, pas seulement un jour mais tous les jours de ma vie, pour la durée de nos jours ! Remarquable petit poème qui résume toute l'histoire du peuple de Dieu depuis la traversée du désert jusqu'à la construction du temple-maison du Seigneur où il fait bon vivre, à jamais ! Ce court poème dit tout, et la motivation est simple : «  tu es avec moi, pour l'honneur de ton Nom  ». Voilà tout le secret, à redécouvrir, au cœur de toutes nos histoires, individuelles et collectives.

Paul, en 1 Corinthiens 15, prend au sérieux notre foi en la résurrection. L'événement même est inscrit dans la mémoire de nombreux témoins, et il est ouvert sur un futur absolu que Paul évoque comme un visionnaire qui raconte une apocalypse : un jour tout sera soumis au Christ, le Seigneur de l'univers, et lui-même confiera tout à Dieu le Père à qui tout sera définitivement soumis. Alors «  Dieu sera tout en tous  ». Belle formule qui invite à méditer. Car ce Dieu tout en tous l'était dès le départ et ne le sera pas seulement dans un futur lointain : au fond de notre vécu actuel Dieu, toujours est secrètement «  tout en tous  », même si nous ne le réalisons pas ou à peine. Que ces trois mots nous accompagnent aujourd'hui : «  tout en tous  », comme une vraie révélation qui éclaire le réel le plus complet.

Vient alors la page d'évangile la plus solennelle de tout l'évangile Matthéen. Le mois de novembre commençait avec les Béatitudes du Sermon sur la Montagne, en la fête de la Toussaint et il s'achève sur cette fresque extraordinaire du Jugement dernier. Le Christ se révèle secrètement dans chacune des huit béatitudes. Il s'expose également dans tout ce dernier discours sur la fin du monde, avec son autorité paradoxale : il est grand et humble à la fois, il règne et se cache dans l'étranger, le prisonnier, l'homme nu, le malade, celui qui a faim et soif... Matthieu commence par l'entourer de majesté, au plus haut degré : il est roi sur son trône de gloire, ils est berger et juge, il est dit «  fils de l'homme  » en gloire et «  fils de Dieu  » ! Mais dans l'histoire on le découvre parmi les plus humbles, «  les plus petits de mes frères  », voilà comment il appelle lui-même les malades, tous ces étrangers, prisonniers, les affamés et assoiffés.

Or le critère qui finira par distinguer et séparer les uns des autres, ce sera l'égard que nous avons pu avoir pour le malade, l'étranger, le prisonnier, l'assoiffé. «  Ce que vous avez fait ou n'avez pas fait à l'un de ces petits, c'est à moi que vous l'avez fait ou refusé de le faire...  » Nous serons jugés sur l'amour, et rien d'autre, nous rappellent les Jean de la Croix, saint Vincent de Paul ou Mère Theresa.

Étonnons-nous : le grand Roi se cache dans l'histoire parmi les plus humiliés de la terre. Ces jours-ci nous sommes témoins : chaque prisonnier qui sort de prison et chaque otage qui se voit libéré, porte secrètement les traits de Celui qui s'est identifié avec «  le plus petit de mes frères  ». Et parfois, ne l'oublions jamais, il se peut que celui-là loge aussi dans le pauvre qui habite, enfoui dans mon propre cœur, et que je risque dans mon existence affairée d'oublier et de négliger. «  N'oubliez pas le pauvre au fond de vous  », disait un sage psychologue du siècle dernier. Qui a appris à en prendre soin, deviendra un bon berger pour ceux qu'il rencontrera sur son chemin, comme le samaritain qui se reconnaît dans la victime au bord de la route et du coup en prend soin, laissant parler ses entrailles de miséricorde.

Notons encore que saint Benoît revient constamment sur cette page évangélique dans sa Règle. Il éclaire les deux pôles : le pauvre c'est le Christ. Il est là dans le frère malade, le vieillard, l'enfant, le visiteur étranger, le pèlerin de passage. Mais celui qui accueille le pauvre, ou visite le malade et en prend soin est également le Christ, pour saint Benoît. Dans la bonne rencontre - et malgré les différences qui peuvent être énormes - c'est le Christ qui rencontre le Christ, au bord du lit du malade ou à la porte d'entrée du monastère.

Essayons de retenir la leçon avec sa profondeur de réciprocité mystérieuse. Nous pouvons être le Christ dans chaque pôle de l'acte de charité. Soyons en dignes et célébrons avec un cœur qui a été visité par le Bon Berger : en reprenant le psaume du jour, nous pouvons affirmer qu'il marche à nos côtés pour l'honneur de son Nom, et se révèle tout en tous, dès maintenant dans l'action liturgique elle-même où le plus grand partage sa vie et se donne à manger aux plus humbles. Amen.

 

Toi, mon troupeau, voici que je vais juger entre brebis et brebis

Ainsi parle le Seigneur Dieu : Voici que moi-même, je m'occuperai de mes brebis, et je veillerai sur elles. Comme un berger veille sur les brebis de son troupeau quand elles sont dispersées, ainsi je veillerai sur mes brebis, et j'irai les délivrer dans tous les endroits où elles ont été dispersées un jour de nuages et de sombres nuées. C'est moi qui ferai paître mon troupeau, et c'est moi qui le ferai reposer, - oracle du Seigneur Dieu. La brebis perdue, je la chercherai ; l'égarée, je la ramènerai. Celle qui est blessée, je la panserai. Celle qui est malade, je lui rendrai des forces. Celle qui est grasse et vigoureuse, je la garderai, je la ferai paître selon le droit. Et toi, mon troupeau - ainsi parle le Seigneur Dieu -, voici que je vais juger entre brebis et brebis, entre les béliers et les boucs.

- Parole du Seigneur.

Ez 34, 11-12.15-17

Le Seigneur est mon berger : je ne manque de rien. Sur des prés d'herbe fraîche, il me fait reposer.

Il me mène vers les eaux tranquilles et me fait revivre ; il me conduit par le juste chemin pour l'honneur de son nom.

Si je traverse les ravins de la mort, je ne crains aucun mal, car tu es avec moi, ton bâton me guide et me rassure.

Tu prépares la table pour moi devant mes ennemis ; tu répands le parfum sur ma tête, ma coupe est débordante.

Grâce et bonheur m'accompagnent tous les jours de ma vie ; j'habiterai la maison du Seigneur pour la durée de mes jours.

Ps 22 (23), 1-2ab, 2c-3, 4, 5, 6

Il remettra le pouvoir royal à Dieu le Père, et ainsi, Dieu sera tout en tous

Frères, le Christ est ressuscité d'entre les morts, lui, premier ressuscité parmi ceux qui se sont endormis. Car, la mort étant venue par un homme, c'est par un homme aussi que vient la résurrection des morts. En effet, de même que tous les hommes meurent en Adam, de même c'est dans le Christ que tous recevront la vie, mais chacun à son rang : en premier, le Christ, et ensuite, lors du retour du Christ, ceux qui lui appartiennent. Alors, tout sera achevé, quand le Christ remettra le pouvoir royal à Dieu son Père, après avoir anéanti, parmi les êtres célestes, toute Principauté, toute Souveraineté et Puissance. Car c'est lui qui doit régner jusqu'au jour où Dieu aura mis sous ses pieds tous ses ennemis. Et le dernier ennemi qui sera anéanti, c'est la mort. Et, quand tout sera mis sous le pouvoir du Fils, lui-même se mettra alors sous le pouvoir du Père qui lui aura tout soumis, et ainsi, Dieu sera tout en tous.

- Parole du Seigneur.

1 Co 15, 20-26.28

Chaque fois que vous l'avez fait à l'un de ces plus petits de mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Quand le Fils de l'homme viendra dans sa gloire, et tous les anges avec lui, alors il siégera sur son trône de gloire. Toutes les nations seront rassemblées devant lui ; il séparera les hommes les uns des autres, comme le berger sépare les brebis des boucs : il placera les brebis à sa droite, et les boucs à gauche.

Alors le Roi dira à ceux qui seront à sa droite : ?Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la fondation du monde. Car j'avais faim, et vous m'avez donné à manger ; j'avais soif, et vous m'avez donné à boire ; j'étais un étranger, et vous m'avez accueilli ; j'étais nu, et vous m'avez habillé ; j'étais malade, et vous m'avez visité ; j'étais en prison, et vous êtes venus jusqu'à moi !? Alors les justes lui répondront : ?Seigneur, quand est-ce que nous t'avons vu? ? tu avais donc faim, et nous t'avons nourri ? tu avais soif, et nous t'avons donné à boire ? tu étais un étranger, et nous t'avons accueilli ? tu étais nu, et nous t'avons habillé ? tu étais malade ou en prison? Quand sommes- nous venus jusqu'à toi ?? Et le Roi leur répondra : ?Amen, je vous le dis : chaque fois que vous l'avez fait à l'un de ces plus petits de mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait.?

Alors il dira à ceux qui seront à sa gauche : ?Allez-vous-en loin de moi, vous les maudits, dans le feu éternel préparé pour le diable et ses anges. Car j'avais faim, et vous ne m'avez pas donné à manger ; j'avais soif, et vous ne m'avez pas donné à boire ; j'étais un étranger, et vous ne m'avez pas accueilli ; j'étais nu, et vous ne m'avez pas habillé ; j'étais malade et en prison, et vous ne m'avez pas visité.? Alors ils répondront, eux aussi : ?Seigneur, quand t'avons-nous vu avoir faim, avoir soif, être nu, étranger, malade ou en prison, sans nous mettre à ton service ?? Il leur répondra : ?Amen, je vous le dis : chaque fois que vous ne l'avez pas fait à l'un de ces plus petits, c'est à moi que vous ne l'avez pas fait.?

Et ils s'en iront, ceux-ci au châtiment éternel, et les justes, à la vie éternelle. »

- Acclamons la Parole de Dieu.

Mt 25, 31-46