Homélie du 31 décembre 2023

L'enfant grandissait et se fortifiait, rempli de sagesse

La Sainte Famille (semaine I du Psautier) - Année B

Une homélie de fr. Yves de patoul

Homélie :
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L'évangéliste Marc que nous suivons depuis le début de l'Avent ignore tout de l'enfance de Jésus. Pour cette fête de la Sainte famille, les liturgistes d'après Concile Vatican II ont choisi l'épisode lucanien de la présentation de Jésus au temple. Les parents de Jésus entrent dans le temple de Jérusalem pour s'acquitter de leur devoir religieux en présentant, comme le prescrivait la Loi pour leur premier enfant mâle, une offrande rituelle. L'offrande apportée est celle des pauvres : un couple de tourterelles. Ils y entrent dans l'anonymat. Et ils y rencontrent deux personnes âgées. L'un, le vieux Syméon, est venu à la rencontre de celui que l'Esprit Saint lui avait révélé comme étant le Consolateur d'Israël. Il prend l'enfant dans ses bras et il prononce une bénédiction : «  Maintenant, Maître souverain tu peux laisser aller ton serviteur dans la paix, selon ta parole ; car mes yeux ont vu le salut que tu préparais à la face des peuples : lumière qui se révèle aux nations et gloire à ton peuple Israël  ». Cette prière est celle qu'on appelle Nunc dimitis et que les moines chantent tous les soirs avant le coucher. 

Syméon qui était très avancé en âge bénit les parents et il ajoute cette prophétie qui résume bien tout ce que les évangiles ont à nous dire de Jésus Christ : «  Voici que cet enfant provoquera la chute et le relèvement de beaucoup en Israël. Il sera un signe de contradiction  ».

Je m'arrête là pour revenir sur un geste qui a une portée culturelle et spirituelle, celui de prendre l'enfant dans ses bras. J'ai un souvenir personnel que je vous partage. J'étais invité dans une famille d'étudiants mariés à Kinshasa ̶ j'en étais l'aumônier au siècle précédent ̶ pour une soirée au cours de laquelle un enfant nouveau-né sortait de la maison après une période de réclusion qui dure quarante jours. Assis comme tout le monde, j'ai reçu l'enfant dans mes bras pendant un long temps. C'était comme prêtre je crois et non pas comme mundele, comme blanc.

Dans ma préparation de cette homélie, je suis tombé encore sur cette suggestion du pape François. Dans son homélie de Noël en 2016 il avait dit ceci : « Si nous prenons l'Enfant-Jésus dans nos bras et que nous nous laissons embrasser par Lui, Il nous donnera la paix du cœur qui n'aura pas de fin  ». Voilà que je vous souhaite la même chose : prendre dans nos bras l'enfant Jésus, berçons-le, laissons-nous embrasser par lui, et il nous donnera la paix du cœur.

Comme vous le savez tous certainement, notre évêque Jean-Luc Hudsyn termine ce soir même sa charge d'évêque. Entrera en service aujourd'hui celle qui le remplacera dorénavant pour une durée de 5 ans, Madame Rebecca Charlier-Alsberge, mariée, veuve, mère de 4 enfants. Nous sommes invités à accueillir cette nouveauté avec joie et espérance. C'est la même attitude que celle qui consiste à porter dans ses bras un nouveau-né, celle d'accueillir la nouveauté porteuse d'espérance et de joie. «  Malgré l'ampleur des responsabilités, disait-elle dans une interview, je suis sereine et joyeuse de pouvoir entamer ces défis  ».

D'autres changements dans notre Église arriveront certainement. Nous-mêmes, faute de successeurs, nous voyons poindre le jour où des laïcs reprendront le flambeau. Soyons sereins et joyeux nous aussi : l'avenir de Clerlande restera dans de bonnes mains. Nous y veillerons. Et ne rêvons plus d'une Église encore trop cléricale qui se réduit trop souvent au culte et à la prière. Il y a d'autres perspectives nouvelles que nous devons confier à des laïcs plus compétents que nous. Faisons leur confiance, ils vont nous étonner comme les parents de Jésus lorsqu'ils entendaient tout ce qu'on disait de l'enfant Jésus.

L'autre personne âgée qui intervient dans le récit de la présentation de Jésus au Temple est une prophétesse, Anne, «  qui ne s'éloignait pas du Temple servant Dieu jour et nuit dans le jeûne et la prière  ». Elle représente cette Église priante que vous avez probablement appréciée en nous. Malheureusement, cette  » Église ne semble plus attirer les jeunes. Espérons que cela revienne très bientôt parce que l'Eglise est une mosaïque composée de personnes et de groupes de fidèles très divers et fort différents les uns des autres mais qui se complètent : il y en a qui qui prient, qui chantent, il y en a qui enseignent et d'autres aussi qui agissent aussi pour que règnent partout la paix, la justice.

La dynamique chrétienne qui provient de notre Seigneur Jésus Christ est une dynamique de mort et de vie. Le vieillard Syméon l'a bien exprimé. C'est ainsi ; il ne peut en être autrement ! La vie de Jésus est parsemée d'échecs, de polémiques, de résistances farouches des uns et des autres, même celles de ses propres disciples. La persévérance dans le bien à accomplir a permis à Jésus de surmonter tous ces obstacles.

Chacune de nos vies est elle aussi jalonnée d'échecs, de crises, de périodes plus sombres. Grâce à Dieu, nous en sortons souvent grandis. Quant à notre Église, elle semble connaître également des heures sombres. Je ne veux pas parler seulement des scandales à répétition qui ont terni son image ces dernières années et qui ont touché plutôt le haut du gratin. Je pense bien plus à l'éloignement d'une grande partie de nos contemporains qui ont déserté les églises et les chapelles, surtout les deux ou trois dernières générations qui ne trouvent plus d'intérêt non seulement aux choses sacrées mais aussi à la foi en Christ. Il faut reconnaître avec humilité que nous avons failli quelque part. Chacun pourra y aller de ses explications. Je ne vous encombrerai pas des miennes, celles d'un sociologue qui aurait pourtant beaucoup à dire. Positivement, il nous faut rechercher ensemble des voies nouvelles. Nous n'avons pas le choix ! Mais ne rêvons plus d'une Église cléricale bâtie trop exclusivement sur son clergé. Jésus n'était pas prêtre mais il enseignait dans le Temple parce qu'il était revêtu de la sagesse de Dieu son Père, de l'Esprit Saint qui ne l'a jamais quitté.

Soyons optimistes comme Abraham qui eut foi dans les paroles du Seigneur : «  Ne crains pas Abram, je suis un bouclier pour toi. Ta récompense sera grande ... Regarde le ciel et compte les étoiles, si tu le peux. Telle sera ta descendance !  » Cette descendance est celle issue de Sara la stérile qui engendra après quarante générations le Fils de Dieu, lequel engendra un nombre incalculable de fils et de filles de Dieu. «  Sara, elle aussi, nous dit encore saint Paul dans l'Épitre aux Hébreux, fut capable d'être à l'origine d'une descendance parce qu'elle pensait que Dieu est fidèle à ses promesses  ».

La religion chrétienne est une affaire de famille, pourrait-on conclure. Dans celle-ci, il s'agit toujours de croire que Dieu est un roc, un bouclier, qu'il nous aime bien plus que nous le croyons en veillant à notre vrai bonheur. Faisons-lui confiance.

 

Ton héritier sera quelqu'un de ton sang

En ces jours-là, la parole du Seigneur fut adressée à Abram dans une vision : « Ne crains pas, Abram ! Je suis un bouclier pour toi. Ta récompense sera très grande. » Abram répondit : « Mon Seigneur Dieu, que pourrais-tu donc me donner ? Je m'en vais sans enfant, et l'héritier de ma maison, c'est Élièzer de Damas. » Abram dit encore : « Tu ne m'as pas donné de descendance, et c'est un de mes serviteurs qui sera mon héritier. » Alors cette parole du Seigneur fut adressée à Abram : « Ce n'est pas lui qui sera ton héritier, mais quelqu'un de ton sang. » Puis il le fit sortir et lui dit : « Regarde le ciel, et compte les étoiles, si tu le peux... » Et il déclara : « Telle sera ta descendance ! » Abram eut foi dans le Seigneur et le Seigneur estima qu'il était juste. Le Seigneur visita Sara comme il l'avait annoncé ; il agit pour elle comme il l'avait dit. Elle devint enceinte, et elle enfanta un fils pour Abraham dans sa vieillesse, à la date que Dieu avait fixée. Et Abraham donna un nom au fils que Sara lui avait enfanté : il l'appela Isaac.

- Parole du Seigneur.

Gn 15, 1-6 ; 21, 1-3

Rendez grâce au Seigneur, proclamez son nom, annoncez parmi les peuples ses hauts faits ; chantez et jouez pour lui, redites sans fin ses merveilles.

Glorifiez-vous de son nom très saint : joie pour les c?urs qui cherchent Dieu ! Cherchez le Seigneur et sa puissance, recherchez sans trêve sa face.

Souvenez-vous des merveilles qu'il a faites, de ses prodiges, des jugements qu'il prononça, vous, la race d'Abraham son serviteur, les fils de Jacob, qu'il a choisis.

Il s'est toujours souvenu de son alliance, parole édictée pour mille générations : promesse faite à Abraham, garantie par serment à Isaac.

104 (105), 1-2, 3-4, 5-6, 8-9

La foi d'Abraham, de Sara et d'Isaac

Frères, grâce à la foi, Abraham obéit à l'appel de Dieu : il partit vers un pays qu'il devait recevoir en héritage, et il partit sans savoir où il allait.

Grâce à la foi, Sara, elle aussi, malgré son âge, fut rendue capable d'être à l'origine d'une descendance parce qu'elle pensait que Dieu est fidèle à ses promesses. C'est pourquoi, d'un seul homme, déjà marqué par la mort, a pu naître une descendance aussi nombreuse que les étoiles du ciel et que le sable au bord de la mer, une multitude innombrable.

Grâce à la foi, quand il fut soumis à l'épreuve, Abraham offrit Isaac en sacrifice. Et il offrait le fils unique, alors qu'il avait reçu les promesses et entendu cette parole : C'est par Isaac qu'une descendance portera ton nom. Il pensait en effet que Dieu est capable même de ressusciter les morts ; c'est pourquoi son fils lui fut rendu : il y a là une préfiguration.

- Parole du Seigneur.

He 11, 8.11-12.17-19

L'enfant grandissait et se fortifiait, rempli de sagesse

Quand fut accompli le temps prescrit par la loi de Moïse pour la purification, les parents de Jésus l'amenèrent à Jérusalem pour le présenter au Seigneur.

Lorsqu'ils eurent achevé tout ce que prescrivait la loi du Seigneur, ils retournèrent en Galilée, dans leur ville de Nazareth. L'enfant, lui, grandissait et se fortifiait, rempli de sagesse, et la grâce de Dieu était sur lui.

- Acclamons la Parole de Dieu.

Lc 2, 22.39-40