Une homélie de fr. Benoît Standaert
Bienvenue à vous tous, chers sœurs et frères, chers amis, dans cette chapelle de Clerlande, en direct ou en différé grâce à l'équipe de Francesco et de Godfrey, invisible mais bien présente derrière vos écrans, de dimanche en dimanche !
Nous montons vers Pâques et le Christ évoque toujours plus le moment poignant de sa mort - « L'heure est venue », dit-il aujourd'hui pour la première fois dans l'évangile johannique. Arriverons-nous à le suivre, à être là où il est, en toute transparence vis-à-vis du Père à qui il n'a plus qu'une seule demande à adresser : « Père, glorifie ton Nom » ? Jean nous fera passer en une seule péricope de la force du départ par l'angoisse de l'agonie pour aboutir dans la gloire, comme il l'avait fait dans son Prologue : le Verbe était auprès de Dieu, le Verbe s'est fait chair et nous avons vu sa gloire. Laissons-nous saisir par ce mouvement unique, qu'il nous transforme encore une fois cette année, peut-être pour certains d'entre nous pour la dernière fois, pour d'autres qui sait, pour la première fois consciemment. Regardons la Croix, lieu qui attire tous vers la gloire, et invoquons le Nom sauveur.
Homélie
Chers amis, Jésus s'ouvre à des Grecs, Juifs et non-Juifs venus à Jérusalem pour la fête pascale. Ils sont curieux : ils veulent voir Jésus. Celui-ci parle en force. L'heure est venue. Et il ouvre son discours par quatre énoncés qui indiquent une progression étrange. Il commence avec une énorme assertivité. « Amen, Amen - en vérité en vérité je vous le dis, si le grain de blé, tombant en terre, ne meurt, il reste seul. S'il meurt, il porte beaucoup de fruits ». Voilà une loi de la nature. Même dans la nature il y a d'énormes paradoxes. Cela vaut pour tout. Ce grain de blé c'est tout vivant, également l'homme, également le Fils de l'homme qui est en train de s'exposer. Mais on n'entend pas le « je » impliqué. Recevez l'image et méditez ! Si le grain de blé ne tombe en terre et ne meurt, il reste seul... S'il veut porter beaucoup de fruit il doit passer par une mort.
Deuxième étape : « Qui aime sa vie la perd ; qui s'en détache en ce monde, la gardera pour la vie éternelle ». Ici il n'est plus question de la nature, mais d'un sujet humain, libre, qui peut s'attacher et se détacher, aimer ou haïr. Et la logique est de nouveau paradoxale : qui s'attache perd, qui perd gagne. Méditons. La Parole nous pénètre et peut rejoindre des réflexes généreux ou malheureux. La sagesse de Jésus déconcerte : nous voulons gagner, à tout prix, mais voilà qu'il nous dit : tu perdras ! Donne et tu te sauveras.
Troisième étape, toujours plus personnelle : « Si quelqu'un veut me servir, qu'il me suive ; là où je suis, là aussi sera mon serviteur ; si quelqu'un me sert, mon Père l'honorera ! » Encore un paradoxe. Le plus haut - le Père - s'inclinera devant le serviteur du Serviteur. « Là où je suis, là aussi sera mon serviteur ». Mais où est-il ? « Où demeures-tu ? » La première question des premiers disciples-serviteurs dans l'évangile johannique.
Quatrième étape : « Maintenant mon âme est bouleversée et que vais-je dire : Père, sauve-moi de cette heure ? Mais non ! C'est pour cela que je suis parvenu à cette heure-là ! Père, glorifie ton Nom ! »
Nous voilà au moment de l'angoisse, de l'agonie proprement dite de Jésus dans saint Jean. Dans la lettre aux Hébreux on a évoqué ce même moment de larmes, de cris, de souffrances : « tout fils qu'il était, il apprit à l'école de la souffrance l'obéissance et il fut exaucé en raison de sa piété ! » Toute à l'heure Jésus parlait en force : « Amen Amen je vous le dis ». Maintenant il a l'air de balbutier. On l'entend formuler : « Que vais-je dire ? » Et arrive alors une des plus belles et des plus courtes prières sur ses lèvres : « Père, glorifie ton Nom ». Il ne se mentionne même plus. Le Nom de Dieu Père seul compte encore et remplit tout son espace spirituel. Dans le Nom du Père il y a la relation à un fils. Glorifie ton nom de père, glorifie ton fils. Ce sera l'ouverture de la grande prière du chapitre 17 : « Père, glorifie ton Fils pour que ton Fils te glorifie ». Dans saint Jean l'acte de glorifier est un acte d'amour, et il est réciproque : le Père glorifie le Fils en le faisant passer par la mort à la gloire, et le Fils glorifie le Père en l'aimant jusqu'à donner sa vie sur la croix. Il n'y a pas deux actes successifs dans la vision johannique, mais un seul acte qui est amour réciproque dans la gloire commune.
Le récit s'achève par une dernière parole - également paradoxale : « Quand je serai élevé de terre, j'attirerai tous - tous les humains - à moi ». L'élévation dans la quatrième évangile c'est à la fois la croix et la gloire. « Élevé de terre, suspendu au bois de la croix, j'attire. J'attire tous les hommes à moi ».
Mystère à méditer : cette traction. Elle traverse l'histoire, le cosmos, tout le créé. Avons-nous perçu un moment dans notre vie cette traction nous traverser, nous libérer, nous glorifier un tant soit peu ? Nous sommes ici uniquement pour nous laisser à nouveau aimanter par cette haute qualité, la traction qui émane du corps transfixé du Christ, élevé sur le bois de la croix.
Chers amis, terminons par un regard sur la croix qui remplit l'abside de notre chapelle : le corps s'expose largement dans sa blancheur et réunit tout, le haut et la bas, le lointain à droite comme à gauche, et dans le temps, le Christ descend aux enfers tout en bas et rejoint Adam et Eve, nos premiers ancêtres, qu'il réintègre dans la grande vie, la gloire. Et en haut le ciel s'ouvre et les anges portent dans le gloire le Fils de l'homme. À droite et à gauche, avec le symbole des quatre évangélistes, la bonne nouvelle se répand à tout l'univers, et l'humanité intégrée se retrouve en quelques figures bien connues et aimées : Marie, Jean, Benoît, André : à quatre ils nous représentent tous. Le corps surexposé ne connaît aucune tension et ne provoque aucune violence : il a traversé la torture, le martyre : « à l'école de la souffrance il apprit l'obéissance et fut exaucé pour sa piété et son grand respect ».
Il ne nous reste qu'à essayer de rejoindre ce point : si quelqu'un veut me servir, qu'il me suive et là où je suis là aussi sera mon serviteur. Soyons ensemble là où il est, glorifié à la droite du Père il intercède sans cesse pour tout notre monde. Nous pouvons y communier, communiant à la traction qui aimante tout l'univers. Célébrons ainsi ce grand mystère, dans la foi, encore et encore. Amen.
Voici venir des jours - oracle du Seigneur -, où je conclurai avec la maison d'Israël et avec la maison de Juda une alliance nouvelle. Ce ne sera pas comme l'alliance que j'ai conclue avec leurs pères, le jour où je les ai pris par la main pour les faire sortir du pays d'Égypte : mon alliance, c'est eux qui l'ont rompue, alors que moi, j'étais leur maître - oracle du Seigneur. Mais voici quelle sera l'alliance que je conclurai avec la maison d'Israël quand ces jours-là seront passés - oracle du Seigneur.
Je mettrai ma Loi au plus profond d'eux-mêmes ; je l'inscrirai sur leur c?ur. Je serai leur Dieu, et ils seront mon peuple. Ils n'auront plus à instruire chacun son compagnon, ni chacun son frère en disant : « Apprends à connaître le Seigneur ! » Car tous me connaîtront, des plus petits jusqu'aux plus grands - oracle du Seigneur. Je pardonnerai leurs fautes, je ne me rappellerai plus leurs péchés.
- Parole du Seigneur.
Jr 31, 31-34
Pitié pour moi, mon Dieu, dans ton amour, selon ta grande miséricorde, efface mon péché. Lave-moi tout entier de ma faute, purifie-moi de mon offense.
Crée en moi un c?ur pur, ô mon Dieu, renouvelle et raffermis au fond de moi mon esprit. Ne me chasse pas loin de ta face, ne me reprends pas ton esprit saint.
Rends-moi la joie d'être sauvé ; que l'esprit généreux me soutienne. Aux pécheurs, j'enseignerai tes chemins ; vers toi, reviendront les égarés.
50 (51), 3-4, 12-13, 14-15
Le Christ, pendant les jours de sa vie dans la chair, offrit, avec un grand cri et dans les larmes, des prières et des supplications à Dieu qui pouvait le sauver de la mort, et il fut exaucé en raison de son grand respect. Bien qu'il soit le Fils, il apprit par ses souffrances l'obéissance et, conduit à sa perfection, il est devenu pour tous ceux qui lui obéissent la cause du salut éternel.
- Parole du Seigneur.
He 5, 7-9
En ce temps-là, il y avait quelques Grecs parmi ceux qui étaient montés à Jérusalem pour adorer Dieu pendant la fête de la Pâque. Ils abordèrent Philippe, qui était de Bethsaïde en Galilée, et lui firent cette demande : « Nous voudrions voir Jésus. » Philippe va le dire à André, et tous deux vont le dire à Jésus. Alors Jésus leur déclare : « L'heure est venue où le Fils de l'homme doit être glorifié. Amen, amen, je vous le dis : si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s'il meurt, il porte beaucoup de fruit. Qui aime sa vie la perd ; qui s'en détache en ce monde la gardera pour la vie éternelle. Si quelqu'un veut me servir, qu'il me suive ; et là où moi je suis, là aussi sera mon serviteur. Si quelqu'un me sert, mon Père l'honorera.
Maintenant mon âme est bouleversée. Que vais-je dire ? ?Père, sauve-moi de cette heure? ? - Mais non ! C'est pour cela que je suis parvenu à cette heure-ci ! Père, glorifie ton nom ! » Alors, du ciel vint une voix qui disait : « Je l'ai glorifié et je le glorifierai encore. » En l'entendant, la foule qui se tenait là disait que c'était un coup de tonnerre. D'autres disaient : « C'est un ange qui lui a parlé. » Mais Jésus leur répondit : « Ce n'est pas pour moi qu'il y a eu cette voix, mais pour vous. Maintenant a lieu le jugement de ce monde ; maintenant le prince de ce monde va être jeté dehors ; et moi, quand j'aurai été élevé de terre, j'attirerai à moi tous les hommes. » Il signifiait par là de quel genre de mort il allait mourir.
- Acclamons la Parole de Dieu.
Jn 12, 20-33