Une homélie de fr. Benoît Standaert
Bienvenue à vous tous, chères sœurs, chers frères, en ce dimanche, le premier après Pâques, le deuxième du temps pascal. De Pâques à la Pentecôte nous aurons sept semaines et huit dimanches, qui tous ne forment qu'un seul grand Jour. « Voici le jour que fit le Seigneur, jour d'allégresse et jour de joie ». Ce Jour unique est Quelqu'un, le Christ ressuscité, symbolisé par le Cierge pascal au milieu de notre assemblée.
Ce dimanche au lendemain des funérailles du Pape François nous le garde en une mémoire vive. Nous vivons un deuil qui se prolonge, un deuil joyeux pour un homme tout donné à l'évangile de l'espérance, à la joie, à la miséricorde universelle.
C'est aussi le « Dimanche de la divine Miséricorde », le Christ radieux qui est apparu à la sainte Polonaise Faustina Kowalska. Jour de pardon, d'indulgence, et d'expérience de la grande pitié-miséricorde du Christ. « Toute âme qui croit et a confiance en ma miséricorde, l'obtiendra », lui a dit le Christ.
Entrons donc pleinement dans ce Jour et invoquons le Christ pascal, qu'il nous communique son Esprit, sa joie, son pardon miséricordieux.
Durant ces cinquante jours nous allons parcourir deux livres : celui des Actes des apôtres et celui de l'Apocalypse de saint Jean. Deux regards sur une même réalité, l'Église. Un regard par en bas, avec l'historien Luc, l'auteur des Actes, et un regard d'en haut, avec le visionnaire Jean, l'auteur de l'Apocalypse. Écoutons et regardons. Participons à ce qu'ils nous racontent sur l'Eglise et sur le Christ ressuscité qui accompagne les siens tout au long de l'histoire, avec ses papes qui se succèdent. On est en droit de penser qu'avant la Pentecôte nous aurons un successeur de saint Pierre comme évêque de Rome.
Homélie
L'évangile de ce jour connaît deux tableaux. L'un se joue le jour même de Pâques, le soir, et l'autre huit jours après, et donc il coïncide avec ce jour-ci dans notre calendrier. Or, à la première rencontre Thomas, dont le nom veut dire « Jumeau » (Didyme), n'était pas là. Mais nous non plus, nous n'étions pas là ! Thomas est donc pour une part notre jumeau et nous avec l'écart du temps vivons ce qu'il a vécu : manquer la rencontre avec le Christ ressuscité ! Saint Ephrem de Syrie explique que Thomas était tout en larmes ! « Pourquoi n'a-t-il pas attendu que je sois rentré ? Pourquoi est-il reparti si vite ! Je veux le voir ! Je ne vous crois pas ! » Et il fait ce remarquable chantage : « Si je ne vois pas les plaies dans son corps, si je ne mets pas mes doigts dans ses mains et ma main dans son côté, je ne croirai pas ! »
Or huit jours plus tard, la communauté est de nouveau réunie. Comme nous aujourd'hui ! Et cette fois Thomas est là. Et Jésus vient, se tient debout au milieu d'eux, toutes portes étant closes. Quand la communauté est réunie, il est là, au milieu. Il ne vient pas de l'extérieur ; Il est le cœur de l'assemblée réunie et il peut se manifester à partir de son centre. Il vient et dit : « Paix soit avec vous » ! Façon commune de se saluer en milieu juif. Shalôm ! Façon extraordinaire du Christ ressuscité de communiquer ce qu'il est : paix, pardon, joie, force. Il souffla sur eux et dit : « Recevez l'Esprit saint », et avec l'Esprit « recevez la puissance du pardon ». Il est la grande vie. Et dans chaque eucharistie nous répéterons ses paroles : « Je vous donne ma paix ».
Puis voilà qu'il interpelle directement Thomas, notre frère jumeau : « Viens, vois, touche, étends la main, mets ton doigt, pose ta main dans mes plaies, dans mon côté, et ne sois plus incrédule mais croyant ! »
Thomas s'est-il encore avancé ? N'a-t-il pas plutôt fait comme les femmes dans le jardin : se prosterner ? Il s'écrie - et nous avec lui : « Mon Seigneur et mon Dieu ! » Le plus beau credo de tout l'évangile de saint Jean. Point d'orgue de ce grand chapitre 20, à la fin du livre.
Puis vient un mot paradoxal qui nous concerne, une béatitude : « Heureux ceux qui sans voir, sans toucher, sans palper, croiront ». Cela nous concerne. On a le témoignage des apôtres transmis de génération en génération et nous avons accès à ce qu'ils disent en croyant ! « Tout ceci fut écrit pour que vous croyiez », lisons-nous à la fin du chapitre de ce jour.
Grandeur de cette page de lumière. Emotion de notre frère jumeau qui se trouve en face de celui qu'il désirait tant voir et toucher. « Sans te voir nous croyons et nous exultons de joie ! », dit un chant bien connu. Mystère de tout le message car le véritable contact avec le ressuscité passe par les plaies : tu veux voir la gloire ? mets tes mains dans ses plaies. Identifie-toi avec sa passion et tu verras.
Origène commente la belle prière de Moïse, une des plus belles de toute la Bible, en Exode 33, en haut du Sinaï : « Fais-moi, de grâce, voir ta gloire ! »
Or le Seigneur lui dit : « Mets-toi dans la fente du rocher. Je passerai devant toi ». Le rocher, c'est le Christ. Les fentes du rocher, ce sont ses plaies. Et Origène rappelle la prière du Cantique : « Toi, caché au creux des rochers, montre-moi ton visage, fais-moi entendre ta voix, car douce est ta voix et charmant ton visage ». Il rappelle encore la prière de Philippe : « Montre-nous le Père et cela nous suffit » ! Et il conclut, avec Thomas : pour voir il faut entrer dans le rocher, se loger dans les fentes, se retirer jusqu'au bout dans les plaies du Bien-aimé de Dieu. Alors on voit. Alors la gloire resplendit. Alors le mystère se révèle et nous communions au dessein de Dieu dans sa plénitude.
Chers frères et sœurs, ils sont nombreux dans l'histoire des relectures de l'évangile à avoir suivi Origène : saint Bernard, Ruusbrœc et Julienne de Norwich reprendront ces considérations et développeront cette passion pour habiter mystiquement dans les fentes du Rocher pour voir passer la gloire de Dieu.
Je m'arrête un moment à la vision de Julienne de Norwich. Depuis son plus jeune âge elle avait un grand désir : communier à la passion du Christ avec les amis et la mère de Jésus au pied de la croix. A 33 ans il lui est donné de voir ainsi le Christ en croix et de s'entretenir avec lui. Il lui dit à un moment donné : « Veux-tu voir et entrer avec le regard dans la plaie ouverte de mon côté ? » Elle acquiesce humblement et elle put entrer. S'ouvre à elle un immense espace lumineux, elle voit dans une grande salle toute l'humanité réunie, depuis Adam et Eve. Tous baignent dans une même gloire lumineuse.
Soutenu par ce qu'elle a vu, nous pouvons songer au parcours actuel de notre Pape défunt, lui qui a canonisé plus de saints que tous ses prédécesseurs des derniers siècles. Il va entrer à son tour dans cette fête de lumière, reçu par tant d'amis, vivant pleinement ce que notre credo rappelle : « la communion des saints ». Joie sur joie pour lui !
Et nous, à chaque eucharistie, nos mains recevront ce pain rompu, expression du corps de Jésus tout donné et transpercé. Saint Cyrille de Jérusalem disait : « Faites de vos mains un trône pour accueillir le roi de gloire ». Nos mains touchent ce corps aux cinq plaies : que notre cœur répète le credo de notre frère jumeau Thomas : « Mon Seigneur et mon Dieu ». C'est ici et maintenant au ciel et sur la terre la Pâques du Seigneur. Amen. Alléluia.
À Jérusalem, par les mains des Apôtres, beaucoup de signes et de prodiges s'accomplissaient dans le peuple. Tous les croyants, d'un même c?ur, se tenaient sous le portique de Salomon. Personne d'autre n'osait se joindre à eux ; cependant tout le peuple faisait leur éloge ; de plus en plus, des foules d'hommes et de femmes, en devenant croyants, s'attachaient au Seigneur. On allait jusqu'à sortir les malades sur les places, en les mettant sur des civières et des brancards : ainsi, au passage de Pierre, son ombre couvrirait l'un ou l'autre. La foule accourait aussi des villes voisines de Jérusalem, en amenant des gens malades ou tourmentés par des esprits impurs. Et tous étaient guéris.
- Parole du Seigneur.
Ac 5, 12-16
Oui, que le dise Israël : Éternel est son amour ! Oui, que le dise la maison d'Aaron : Éternel est son amour ! Qu'ils le disent, ceux qui craignent le Seigneur : Éternel est son amour !
La pierre qu'ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre d'angle : c'est là l'?uvre du Seigneur, la merveille devant nos yeux. Voici le jour que fit le Seigneur, qu'il soit pour nous jour de fête et de joie !
Donne, Seigneur, donne le salut ! Donne, Seigneur, donne la victoire ! Béni soit au nom du Seigneur celui qui vient ! De la maison du Seigneur, nous vous bénissons ! Dieu, le Seigneur, nous illumine.
Ps 117 (118), 2-4, 22-24, 25-27a
Moi, Jean, votre frère, partageant avec vous la détresse, la royauté et la persévérance en Jésus, je me trouvai dans l'île de Patmos à cause de la parole de Dieu et du témoignage de Jésus. Je fus saisi en esprit, le jour du Seigneur, et j'entendis derrière moi une voix forte, pareille au son d'une trompette. Elle disait : « Ce que tu vois, écris-le dans un livre et envoie-le aux sept Églises : à Éphèse, Smyrne, Pergame, Thyatire, Sardes, Philadelphie et Laodicée. »
Je me retournai pour regarder quelle était cette voix qui me parlait. M'étant retourné, j'ai vu sept chandeliers d'or, et au milieu des chandeliers un être qui semblait un Fils d'homme, revêtu d'une longue tunique, une ceinture d'or à hauteur de poitrine. Quand je le vis, je tombai à ses pieds comme mort, mais il posa sur moi sa main droite, en disant : « Ne crains pas. Moi, je suis le Premier et le Dernier, le Vivant : j'étais mort, et me voilà vivant pour les siècles des siècles ; je détiens les clés de la mort et du séjour des morts. Écris donc ce que tu as vu, ce qui est, ce qui va ensuite advenir. »
- Parole du Seigneur.
Ap 1, 9-11a.12-13.17-19
C'était après la mort de Jésus. Le soir venu, en ce premier jour de la semaine, alors que les portes du lieu où se trouvaient les disciples étaient verrouillées par crainte des Juifs, Jésus vint, et il était là au milieu d'eux. Il leur dit : « La paix soit avec vous ! » Après cette parole, il leur montra ses mains et son côté. Les disciples furent remplis de joie en voyant le Seigneur. Jésus leur dit de nouveau : « La paix soit avec vous ! De même que le Père m'a envoyé, moi aussi, je vous envoie. » Ayant ainsi parlé, il souffla sur eux et il leur dit : « Recevez l'Esprit Saint. À qui vous remettrez ses péchés, ils seront remis ; à qui vous maintiendrez ses péchés, ils seront maintenus. »
Or, l'un des Douze, Thomas, appelé Didyme (c'est-à-dire Jumeau), n'était pas avec eux quand Jésus était venu. Les autres disciples lui disaient : « Nous avons vu le Seigneur ! » Mais il leur déclara : « Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt dans la marque des clous, si je ne mets pas la main dans son côté, non, je ne croirai pas ! »
Huit jours plus tard, les disciples se trouvaient de nouveau dans la maison, et Thomas était avec eux. Jésus vient, alors que les portes étaient verrouillées, et il était là au milieu d'eux. Il dit : « La paix soit avec vous ! » Puis il dit à Thomas : « Avance ton doigt ici, et vois mes mains ; avance ta main, et mets-la dans mon côté : cesse d'être incrédule, sois croyant. » Alors Thomas lui dit : « Mon Seigneur et mon Dieu ! » Jésus lui dit : « Parce que tu m'as vu, tu crois. Heureux ceux qui croient sans avoir vu. »
Il y a encore beaucoup d'autres signes que Jésus a faits en présence des disciples et qui ne sont pas écrits dans ce livre. Mais ceux-là ont été écrits pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et pour qu'en croyant, vous ayez la vie en son nom.
- Acclamons la Parole de Dieu.
Jn 20, 19-31