Homélie du 3 août 2025

 Ce que tu auras accumulé, qui l'aura ? 

18ème dimanche du Temps Ordinaire (semaine II du Psautier) - Année C

Une homélie de fr. Pierre de Béthune

Homélie :
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Les dimanches précédents, nous avons entendu des évangiles importants : l'histoire du Bon Samaritain, celle de Marthe et Marie, ou encore l'enseignement sur la prière. Aujourd'hui la liturgie nous propose une parabole apparemment assez banale. Fallait-il une révélation spéciale de Dieu pour confirmer le proverbe que «  l'argent ne fait pas le bonheur  » ?

Bien sûr, avec cette parabole, nous ne sommes pas au cœur de l'évangile. Mais il faut commencer par le commencement : il est parfois nécessaire de le rappeler. Si nous voulons arriver au cœur de l'évangile, il ne faut pas négliger la marche d'approche, au risque de n'arriver à rien.

Pour cela, nous avons entendu quelques lignes du 'Livre de l'Ecclésiaste'. C'est, au Moyen-Âge, le livre qu'on donne aux novices, les commençants. Nous n'avons entendu qu'une petite partie, quelques lignes. Mais ce qui est dit là est fondamental ... Pour trouver le vrai bonheur, il ne faut pas accumuler, il ne faut pas accumuler des richesses, des assurances, des connaissances, parce que «  Que reste-t-il à l'homme de toute cette peine et de tous les calculs pour lesquels il se fatigue sous le soleil ?  » Tout cela est trompeur, vain, vanité. Et le livre conclue : profitez plutôt de ce que vous avez effectivement, et découvrez que c'est déjà merveilleux. Réjouissez-vous alors, et remerciez Dieu.

Tout cela est très simple, élémentaire, mais aussi très important puisque Jésus a cru nécessaire de revenir souvent sur cette exigence, exigence de liberté vis-à-vis de l'âpreté au gain, «  l'avidité qui est une idole  », comme dit saint Paul.

Il y a, dans l'évangile, de nombreuses allusions au danger de la richesse, comme, par exemple, la fameuse histoire du jeune homme riche. Il demande à Jésus comment acquérir la vie en plénitude. Pour obtenir cela il est déjà très vertueux ; il observe tous les commandements. Mais quand Jésus lui demande de renoncer à ses richesses, il repart «  tout triste, car il avait de grands biens  ».

L'attachement aux richesses peut devenir un obstacle au vrai progrès. Et nous devrions nous demander si ce besoin d'avoir toujours plus n'est pas l'indice caché d'un manque d'être. Nous associons spontanément le bonheur avec la possession, et la joie avec l'abondance. Or justement, comme le dit l'évangile, Jésus est venu pour nous «  donner la vie en abondance  ». Et cette 'abondance de vie' est encore autre chose que l'abondance de choses qui nous comblent !

Ce que Jésus nous demande en tous ces textes d'évangile est, au fond, de transformer, de convertir, notre rapport aux richesses. Saint Benoît peut nous y aider. Il dit : «  Celui qui a besoin de beaucoup de choses, qu'il s'humilie ; celui qui est content de peu, qu'il rende grâce à Dieu !  » Benoît inverse donc notre façon de juger : ce n'est pas celui qui a beaucoup qui peut rendre grâce à Dieu, parce qu'il possède beaucoup de choses ; au contraire, il doit s'humilier, parce qu'il n'est pas capable de vivre sans tout cela, tout cela qui lui sert en fait de béquilles extérieures. Par contre celui qui a besoin de peu et qui est autonome, celui-là est privilégié, parce qu'il a toutes ses richesses en lui. Il bénit Dieu.

En définitive ce petit texte d'évangile entendu aujourd'hui, apparemment peu important, est malgré tout précieux pour notre vie concrète, parce qu'il nous dit comment «  être riche pour Dieu  ».

Il ne dit pas qu'il ne faut pas être riche, mais il dit comment l'être. Il faut ce qu'il faut, mais il ne faut pas accumuler. Il ne faut pas accumuler des possessions, et pas non plus des bonnes œuvres, des vertus, des compétences, des mérites. Sur ce chemin, on progresse plutôt en simplifiant, en s'allégeant. Pour pouvoir suivre Jésus sur son chemin, il est nécessaire de se désencombrer des bagages, toutes espèces de bagages : de vices ou de vertus, parce qu'ils ne sont pas nécessaires et empêchent finalement de le suivre en toute liberté. Comme dit l''Imitation de Jésus-Christ', il s'agit de «  suivre nu le Christ nu  ». Librement, tout simplement.

Vous avez tous, certainement, déjà fait une telle expérience, l'expérience d'une joie toute particulière. Celle que saint François d'Assise appelait «  la joie parfaite  ».

Et la fin même, avec sa grandeur et sa beauté poétique, sa force des métaphores réunies, confirme splendidement la pertinence des premiers énoncés, et leur confère même un surplus de sens : ultimement il y a la (re-)découverte que tout est don, sorti de la main de Dieu et destiné, tôt ou tard, à y retourner (shuv).

Ailleurs encore, toujours dans l'évangile de Luc, nous entendons Jésus nous donner un conseil semblable : il vous faut bien calculer. Si vous voulez construire une tour, dit-il, commencez par accumuler les finances et les matériaux nécessaires. Mais, après avoir obtenu l'assentiment de ses auditeurs pour cette évidence, il conclue, paradoxalement : «  Quiconque parmi vous ne renonce pas à tout ce qui lui appartient ne peut être mon disciple  ». Il faut calculer, mais le calcul n'est pas ici une addition ou une multiplication, c'est plutôt une soustraction !

 

Que reste-t-il à l'homme de toute sa peine ?

Vanité des vanités, disait Qohèleth. Vanité des vanités, tout est vanité !

Un homme s'est donné de la peine ; il est avisé, il s'y connaissait, il a réussi. Et voilà qu'il doit laisser son bien à quelqu'un qui ne s'est donné aucune peine. Cela aussi n'est que vanité, c'est un grand mal !

En effet, que reste-t-il à l'homme de toute la peine et de tous les calculs pour lesquels il se fatigue sous le soleil ? Tous ses jours sont autant de souffrances, ses occupations sont autant de tourments : même la nuit, son c?ur n'a pas de repos. Cela aussi n'est que vanité.

- Parole du Seigneur.

Qo 1, 2 ; 2, 21-23

Tu fais retourner l'homme à la poussière ; tu as dit : « Retournez, fils d'Adam ! » À tes yeux, mille ans sont comme hier, c'est un jour qui s'en va, une heure dans la nuit.

Tu les as balayés : ce n'est qu'un songe ; dès le matin, c'est une herbe changeante : elle fleurit le matin, elle change ; le soir, elle est fanée, desséchée.

Apprends-nous la vraie mesure de nos jours : que nos c?urs pénètrent la sagesse. Reviens, Seigneur, pourquoi tarder ? Ravise-toi par égard pour tes serviteurs.

Rassasie-nous de ton amour au matin, que nous passions nos jours dans la joie et les chants. Que vienne sur nous la douceur du Seigneur notre Dieu ! Consolide pour nous l'ouvrage de nos mains.

Ps 89 (90), 3-4, 5-6, 12-13, 14.17abc

Recherchez les réalités d'en haut ; c'est là qu'est le Christ

Frères, si donc vous êtes ressuscités avec le Christ, recherchez les réalités d'en haut : c'est là qu'est le Christ, assis à la droite de Dieu. Pensez aux réalités d'en haut, non à celles de la terre.

En effet, vous êtes passés par la mort, et votre vie reste cachée avec le Christ en Dieu. Quand paraîtra le Christ, votre vie, alors vous aussi, vous paraîtrez avec lui dans la gloire. Faites donc mourir en vous ce qui n'appartient qu'à la terre : débauche, impureté, passion, désir mauvais, et cette soif de posséder, qui est une idolâtrie. Plus de mensonge entre vous : vous vous êtes débarrassés de l'homme ancien qui était en vous et de ses façons d'agir, et vous vous êtes revêtus de l'homme nouveau qui, pour se conformer à l'image de son Créateur, se renouvelle sans cesse en vue de la pleine connaissance. Ainsi, il n'y a plus le païen et le Juif, le circoncis et l'incirconcis, il n'y a plus le barbare ou le primitif, l'esclave et l'homme libre ; mais il y a le Christ : il est tout, et en tous.

- Parole du Seigneur.

Col 3, 1-5.9-11

Ce que tu auras accumulé, qui l'aura ?

En ce temps-là, du milieu de la foule, quelqu'un demanda à Jésus : « Maître, dis à mon frère de partager avec moi notre héritage. » Jésus lui répondit : « Homme, qui donc m'a établi pour être votre juge ou l'arbitre de vos partages ? » Puis, s'adressant à tous : « Gardez-vous bien de toute avidité, car la vie de quelqu'un, même dans l'abondance, ne dépend pas de ce qu'il possède. » Et il leur dit cette parabole : « Il y avait un homme riche, dont le domaine avait bien rapporté. Il se demandait : ?Que vais-je faire ? Car je n'ai pas de place pour mettre ma récolte.' Puis il se dit : ?Voici ce que je vais faire : je vais démolir mes greniers, j'en construirai de plus grands et j'y mettrai tout mon blé et tous mes biens. Alors je me dirai à moi-même : Te voilà donc avec de nombreux biens à ta disposition, pour de nombreuses années. Repose-toi, mange, bois, jouis de l'existence.' Mais Dieu lui dit : ?Tu es fou : cette nuit même, on va te redemander ta vie. Et ce que tu auras accumulé, qui l'aura ?' Voilà ce qui arrive à celui qui amasse pour lui-même, au lieu d'être riche en vue de Dieu. »

- Acclamons la Parole de Dieu.

Lc 12, 13-21