Une homélie de fr. Grégoire Maertens
La liturgie de la Parole de ce jour nous met au pied du mur. Ou bien nous résistons à la Parole ou bien nous l'accueillons avec joie. En effet, dans les Actes des Apôtres, St Luc met en scène la confrontation de Paul et Barnabé avec certains « juifs ». Ceux-ci sont jaloux du succès que les Apôtres récoltent auprès de personnes de toutes sortes et qu'ils encouragent à « rester attachés à la grâce de Dieu », du fond du cœur. Paul et Barnabé, injuriés et contredits, en tirent la conclusion : « Puisque vous ne vous jugez pas dignes de la vie éternelle, nous nous tournons vers les nations païennes ». Cela me parait assez interpellant et en même temps, réjouissant. En effet, il ne s'agit pas de se frapper éternellement la poitrine en disant : « Je ne suis pas digne », mais plutôt de se réjouir d'être rendus dignes d'être appelés « enfants de Dieu » : comme les païens dont parle Paul, réjouissons-nous ! Question: nous, chrétiens, respirons-nous la joie ? Je ne parle pas ici d'une joie superficielle mais de la réjouissance profonde du cœur. Le psaume 99 met des mots sur cette réjouissance : acclamation, allégresse, chants de joie, admiration du Seigneur pour son amour, sa bonté.... L'Apocalypse quant à elle, nous amène à plus de gravité, puisque Jean y évoque les épreuves multiples de ceux qui n'ont cessé de suivre l'Agneau tout au long de leur vie : mais voici : eux aussi, restés attachés à la grâce de Dieu, se voient réconfortés de toutes manières par l'Agneau-Pasteur qui leur sert à manger, à boire et qui , délicatement, essuie les larmes de leurs yeux. Ce langage est-il tenable aujourd'hui ? Face aux bouleversements profonds, aux souffrances et aux malheurs dont nous sommes quotidiennement les témoins, soit directement soit par médias interposés, n'est-ce pas indécent de chanter Alléluia ? Par ailleurs, toute époque n'a-t-elle pas connu des événements joyeux et terribles ? Toute l'Ecriture n'est-elle pas l'écho de ce qu'il y a de pire et de meilleur dans les relations entre Dieu et l'homme ? Ce qui interpelle ici, c'est la joie qui s'exprime chez ceux qui accueillent la parole de Dieu, ceux qui sont guéris ou même ceux qui sont punis par les autorités en place pour avoir rendu témoignage à Jésus : ce sont des gens qui se sont laissés toucher, qui sont nés d'En-Haut, comme le dit Jésus à Nicodème, ou encore, qui sont redevenus enfants, bref des gens qui ont apprécié le don de Dieu, en d'autres mots la grâce de Dieu et, du coup, ils sont devenus capables de « rendre grâce », on pourrait dire ils sont devenus aptes à faire « Eucharistie », à rendre grâce, à faire de chaque moment une petite « Eucharistie » Frères et Sœurs, vous savez mieux que moi que la religion n'est pas une affaire de petits bonheurs obtenus à force de renoncements et de prières, mais une relation filiale avec Quelqu'un dont nous n'avons pas idée mais dont nous avons quelque connaissance grâce à Jésus : la prière publique de l'Eglise, le recueillement discret dans notre chambre, la rencontre avec les « marginaux, aux périphéries », voilà ce qui peut nous rapprocher de la véritable image de Dieu si souvent déformée ou caricaturée : visage de ce Père que Jésus n'a cessé de révéler, jour après jour, tout au long de sa vie terrestre comme en témoigne cette parole : « Qui m'a vu, a vu le Père ». Une hymne que nous chantons pendant le temps pascal exprime la même pensée : « Tout l'univers remonte au jour, capable enfin de t'appeler « Amour », un chant nouveau pour les enfants perdus le nom de Dieu nous est rendu. » Oui ! Le nom de Dieu nous est rendu : quand nous le nommons « Tout-Puissant » nous nous trompons, car sa toute puissance n'est pas celle d'un guerrier invincible ou d'un sportif de haut niveau, Il n'a d'autre toute puissance que celle de l'amour : n'est-ce pas là la source de notre joie ? Avec justesse, Joseph Joubert résume cela dans une de ses pensées : « Au bout du compte, Dieu aime autant chaque homme qu'il aime tout le genre humain. Le poids et le nombre ne sont rien à ses yeux. Eternel, immense, infini, il n'a que des amours immenses ». (Joubert, Pensées, jugements et notations, 321. 1774-1824) Sœurs et frères, nous pouvons, sans arrière-pensée, nous, réjouir d'être dignes de cette vie éternelle promise par Jésus : rien ni personne ne peut nous arracher de la main de ce Père qui est, aux dires de Jésus, plus grand que tout et plus aimant que tous.
Amen !
En ces jours-là, Paul et Barnabé poursuivirent leur voyage au-delà de Pergé et arrivèrent à Antioche de Pisidie. Le jour du sabbat, ils entrèrent à la synagogue et prirent place. Une fois l'assemblée dispersée, beaucoup de Juifs et de convertis qui adorent le Dieu unique les suivirent. Paul et Barnabé, parlant avec eux, les encourageaient à rester attachés à la grâce de Dieu. Le sabbat suivant, presque toute la ville se rassembla pour entendre la parole du Seigneur. Quand les Juifs virent les foules, ils s'enflammèrent de jalousie ; ils contredisaient les paroles de Paul et l'injuriaient. Paul et Barnabé leur déclarèrent avec assurance : « C'est à vous d'abord qu'il était nécessaire d'adresser la parole de Dieu. Puisque vous la rejetez et que vous-mêmes ne vous jugez pas dignes de la vie éternelle, eh bien ! nous nous tournons vers les nations païennes. C'est le commandement que le Seigneur nous a donné : J'ai fait de toi la lumière des nations pour que, grâce à toi, le salut parvienne jusqu'aux extrémités de la terre. » En entendant cela, les païens étaient dans la joie et rendaient gloire à la parole du Seigneur ; tous ceux qui étaient destinés à la vie éternelle devinrent croyants. Ainsi la parole du Seigneur se répandait dans toute la région.
Mais les Juifs provoquèrent l'agitation parmi les femmes de qualité adorant Dieu, et parmi les notables de la cité ; ils se mirent à poursuivre Paul et Barnabé, et les expulsèrent de leur territoire. Ceux-ci secouèrent contre eux la poussière de leurs pieds et se rendirent à Iconium, tandis que les disciples étaient remplis de joie et d'Esprit Saint.
- Parole du Seigneur.
Ac 13, 14.43-52
En ce temps-là, Jésus déclara : « Mes brebis écoutent ma voix ; moi, je les connais, et elles me suivent. Je leur donne la vie éternelle : jamais elles ne périront, et personne ne les arrachera de ma main. Mon Père, qui me les a données, est plus grand que tout, et personne ne peut les arracher de la main du Père. Le Père et moi, nous sommes UN. »
- Acclamons la Parole de Dieu.
Jn 10, 27-30