La méditation dans la tradition sacerdotale

Le verbe qui est au centre de la réflexion sacerdotale quant à l'activité méditative est celui de zakhar : « se rappeler », « faire mémoire » des merveilles accomplies par le Seigneur tout au long de l'histoire du salut. Se rappeler ou se souvenir suppose une mémorisation des gestes et des paroles du Seigneur. En faisant ainsi mémoire on rejoint la force du passé jusque dans le présent. Le zikharon comme pratique de faire mémoire implique toujours une forme d'actualisation de ce dont on se souvient. On dit par exemple : « Ce ne sont pas seulement vos pères qui autrefois furent sauvés de l'esclavage et du four de l'oppression en Égypte. C'est vous-mêmes qui en cette nuit de la Pâque, en faisant mémoire d'eux, vivez aujourd'hui même votre libération ! »

Citons un passage célèbre où s'exprime toute la richesse et l'intensité de « méditer » comme mode de se souvenir. En Deutéronome 6 on lit : Shema' Israel, Adonaï Elohenu Adonaï ‘ehad. « Écoute, Israël... » L'écoute précède toute la pratique de faire mémoire.

« Écoute, Israël! Le Seigneur notre Dieu est le Seigneur UN.
Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de tout ton être, de toute ta force. Les paroles des commandements que je te donne aujourd'hui seront présentes à ton cœur ; tu les répéteras à tes fils; tu les leur diras quand tu resteras chez toi et quand tu marcheras sur la route, quand tu seras couché et quand tu seras debout; tu en feras un signe attaché à ta main, une marque placée entre tes yeux; tu les inscriras sur les montants de porte de ta maison et à l'entrée de ta ville.
...Garde-toi bien d'oublier le Seigneur qui t'a fait sortir du pays d'Égypte, de la maison de servitude
».
Dt 6, 4-9.12

On voit dans ce passage combien l'exigence de se rappeler interpelle toute la personne qui doit avoir présent à l'esprit tout l'agir divin selon l'alliance qui unit le Dieu vivant à son peuple. Le cœur, l'âme, toutes les forces sont mobilisées. « Garde-toi bien d'oublier », est-il rappelé à la fin. Toute l'extériorité - les mains, l'espace entre les yeux, l'entrée dans ta maison comme la porte de la ville - jusqu'au cœur de la génération qui vient, on pratique cette réflexion-méditation ininterrompue.

Avant de quitter les cinq livres de Moïse, j'aimerais signaler encore deux passages sympathiques de « méditation ». Il y a le cas d'Isaac qui « alors que tombe le soir sort pour méditer dans la campagne » et dans cet exercice assez gratuit et ouvert à tout, voilà qu'il aperçoit de loin des chameaux qui arrivent, et avec eux sa future femme : Rivka, « Rébecca » qui se glisse de son chameau et se voile la face... (Gn 24, 63s.).

Un autre passage concerne Jacob et ses fils. Joseph, en toute innocence, vient de raconter ses rêves. Ses frères sont plus que furieux en l'entendant. « Ils sont remplis de jalousie. Mais son père », est-il dit, « gardait la chose dans sa mémoire » (Gn 37,11, Vulgate : tacite considerabat). Nous retrouverons cette façon de ne pas oublier la chose, même si au moment de l'écoute, le sujet en question ne comprend pas toute la portée de ce qui a été dit.


fr. Benoît Standaert osb.
(c) Clerlande 2022.


Qui veut poursuivre la réflexion sur la méditation, peut consulter l'interview de Maciej Bielawski en Italien, janvier 2022 : Une série de questions essentielles.